Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/510

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moins fantastique. Il semble que le Sabbat n’y fût alors qu’une grande fête où tous, les nobles même, allaient pour l’amusement. Au premier rang y figuraient des personnes voilées, masquées, que quelques-uns croyaient des princes. « On n’y voyait autrefois, dit Lancre, que des idiots des Landes. Aujourd’hui, on y voit des gens de qualité. » Satan, pour fêter ces notabilités locales, créait parfois en ce cas un évêque du Sabbat. C’est le titre que reçut de lui le jeune seigneur Lancinena, avec qui le Diable voulut bien ouvrir la danse.

Si bien appuyées, les sorcières régnaient. Elles exerçaient sur le pays une terreur d’imagination incroyable. Nombre de personnes se croyaient leurs victimes, et réellement devenaient gravement malades. Beaucoup étaient frappées d’épilepsie et aboyaient comme des chiens. La seule petite ville d’Acqs comptait jusqu’à quarante de ces malheureux aboyeurs. Une dépendance effrayante les liait à la sorcière, si bien qu’une dame appelée comme témoin, aux approches de la sorcière qu’elle ne voyait même pas, se mit à aboyer furieusement, et sans pouvoir s’arrêter.

Ceux à qui l’on attribuait une si terrible puissance étaient maîtres. Personne n’eut osé leur fermer sa porte. Un magistrat même, l’assesseur criminel de Bayonne, laissa faire le Sabbat chez lui. Le seigneur de Saint-Pé, Urtubi, fut obligé de faire la fête dans son château. Mais sa tête en fut ébranlée au point qu’il s’imagina qu’une sorcière lui suçait le sang. La peur lui donnant du courage, avec un autre seigneur, il se rendit à Bordeaux, s’adressa