Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/564

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mains mêmes de ses accusateurs, qui prennent sur lui d’avance leur vengeance préalable, l’avant-goût du supplice !

On le traîne aux églises en face de ces filles, à qui Laubardemont a rendu la parole. Il trouve des bacchantes que l’apothicaire condamné saoulait de ses breuvages, les jetant en de telles furies, qu’un jour Grandier fut près de périr sous leurs ongles.

Ne pouvant imiter l’éloquence de la possédée de Marseille, elles y suppléaient par le cynisme. Spectacle hideux ! des filles, abusant des prétendus diables pour lâcher devant le public la bonde à la furie des sens ! C’est justement ce qui grossissait l’auditoire. On venait ouïr là, de la bouche des femmes, ce qu’aucune n’osa dire jamais.

Le ridicule, ainsi que l’odieux, allaient croissant. Le peu qu’on leur soufflait de latin, elles le disaient tout de travers. Le public trouvait que les diables n’avaient pas fait leur quatrième. Les capucins, sans se déconcerter, dirent que, si ces démons étaient faibles en latin, ils parlaient à merveille l’iroquois, le topinambour.


La farce ignoble, vue de soixante lieues, de Saint-Germain, du Louvre, apparaissait miraculeuse, effrayante et terrible. La cour admirait et tremblait. Richelieu (sans doute pour plaire) fit une chose lâche. Il fit payer les exorcistes, payer les religieuses.

Une si haute faveur exalta la cabale et la rendit tout à fait folle. Après les paroles insensées vinrent