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de sorciers) qu’il les menait au sabbat et les mariait au diable Dagon. Il en possédait trois, et Madeleine, à quatorze ans, fut la quatrième.

Elle était fort dévote, surtout à saint François. Un monastère de Saint-François venait d’être fondé à Louviers par une dame de Rouen, veuve du procureur Hennequin, pendu pour escroquerie. La dame voulait que cette œuvre aidât au salut de son mari. Elle consulta là dessus un saint homme, le vieux prêtre David, qui dirigea la nouvelle fondation. Aux portes de la ville, dans les bois qui l’entourent, ce couvent, pauvre et sombre, né d’une si tragique origine, semblait un lieu d’austérité. David était connu par un livre bizarre et violent contre les abus qui salissaient les cloîtres, le Fouet des paillards[1]. Toutefois, cet homme si sévère avait des idées fort étranges de la pureté. Il était adamite, prêchait la nudité qu’Adam eut dans son innocence. Dociles à ses leçons, les religieuses du cloître de Louviers, pour dompter et humilier les novices, les rompre à l’obéissance, exigeaient (en été sans doute) que ces jeunes Èves revinssent à l’état de la mère commune. On les exerçait ainsi dans certains jardins réservés et à la chapelle même. Madeleine, qui, à seize ans, avait obtenu d’être reçue comme novice, était trop fière (trop pure alors peut-être) pour subir cette vie étrange. Elle déplut et fut grondée pour avoir, à la communion, essayé de cacher son sein avec la nappe de l’autel.

Elle ne dévoilait pas plus volontiers son âme, ne

  1. V. Floquet, Parl. de Normandie, t. V, p. 636.