Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/576

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à tel point du jardin. » On creusait, et on le trouvait. Par malheur, l’ami d’Yvelin, le magistrat sceptique, ne bougeait des côtés de l’actrice principale, la sœur Anne. Au bord même d’un trou que l’on venait d’ouvrir, il serre sa main, et, la rouvrant, y trouve le charme (un petit fil noir) qu’elle allait jeter dans la terre.

Les exorcistes, pénitencier, prêtres et capucins, qui étaient là, furent couverts de confusion. L’intrépide Yvelin, de son autorité, commença une enquête et vit le fond du fond. Sur cinquante-deux religieuses, il y en avait, dit-il, six possédées qui eussent mérité correction. Dix-sept autres, les charmées, étaient des victimes, un troupeau de filles agitées du mal des cloîtres. Il le formule avec précision ; elles sont réglées, mais hystériques, gonflées d’orages à la matrice, lunatiques surtout, et dévoyées d’esprit. La contagion nerveuse les a perdues. La première chose à faire est de les séparer.

Il examine ensuite avec une verve voltairienne les signes auxquels les prêtres reconnaissaient le caractère surnaturel des possédées. Elles prédisent, d’accord, mais ce qui n’arrive pas. Elles traduisent, d’accord, mais ne comprennent pas (exemple : ex parte Virginis, veut dire le départ de la Vierge). Elles savent le grec devant le peuple de Louviers, mais ne le parlent plus devant les docteurs de Paris. Elles font des sauts, des tours, les plus faciles, montent à un gros tronc d’arbre où monterait un enfant de trois ans. Bref, ce qu’elles font de terrible et vraiment contre la nature, c’est de dire des choses sales, qu’un homme ne dirait jamais.