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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/577

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Le chirurgien rendait grand service à l’humanité en leur ôtant le masque. Car on poussait la chose ; on allait faire d’autres victimes. Outre les charmes, on trouvait des papiers qu’on attribuait à David ou à Picart, sur lesquels telle ou telle personne était nommée sorcière, désignée à la mort. Chacun tremblait d’être nommé. De proche en proche gagnait la terreur ecclésiastique.

C’était déjà le temps pourri de Mazarin, le début de la faible Anne d’Autriche. Plus d’ordre, plus de gouvernement. « Il n’y avait plus qu’un mot dans la langue : La reine est si bonne. » Cette bonté donnait au clergé une chance pour dominer. L’autorité laïque étant enterrée avec Richelieu, évêques, prêtres et moines allaient régner. L’audace impie du magistrat et d’Yvelin compromettait ce doux espoir. Des voix gémissantes vinrent à la bonne reine, non celles des victimes, mais celles des fripons pris en flagrant délit. On s’en alla pleurer à la cour pour la religion outragée.

Yvelin n’attendait pas ce coup ; il se croyait solide en cour, ayant depuis dix ans un titre de chirurgien de la reine. Avant qu’il revînt de Louviers à Paris, on obtint de la faiblesse d’Anne d’Autriche d’autres experts, ceux qu’on voulait, un vieux sot en enfance, un Diafoirus de Rouen et son neveu, deux clients du clergé. Ils ne manquèrent pas de trouver que l’affaire de Louviers était surnaturelle, au-dessus de tout art humain.

Tout autre qu’Yvelin se fût découragé. Ceux de Rouen qui étaient médecins, traitaient de haut en bas ce chirurgien, ce barbier, ce frater. La cour ne