Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/627

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Elle ne put se dégager d’abord d’un si vif enlacement. Elle coucha avec l’abbesse. Celle-ci croyait bien la tenir. Et doublement, par des moyens contraires, et comme sainte, et comme femme, j’entends comme fille nerveuse, sensible, et, par faiblesse, peut-être sensuelle. Elle faisait écrire sa légende, ses paroles, tout ce qui lui échappait. D’autre part elle recueillait les plus humbles détails de sa vie physique, en envoyait le bulletin à Toulon. Elle en aurait fait son idole, sa mignonne poupée. Sur une pente si glissante, l’entraînement, sans doute, alla vite. La jeune fille eut scrupule et comme peur. Elle fit un grand effort, dont sa langueur l’eût fait croire incapable. Elle demanda humblement de quitter ce nid de colombes, ce trop doux lit, cette délicatesse, d’avoir la vie commune des novices ou pensionnaires.

Grande surprise. Mortification. L’abbesse se crut dédaignée, se dépita contre l’ingrate et ne lui pardonna jamais.


La Cadière trouva dans les autres un excellent accueil. La maîtresse des novices, Mme de Lescot, une religieuse parisienne, fine et bonne, valait mieux que l’abbesse. Elle semble avoir compris ce qu’elle était, une pauvre victime du sort, un jeune cœur plein de Dieu, mais cruellement marqué de fatalités excentriques qui devaient la précipiter à la honte, à quelque fin sinistre. Elle ne fut occupée que de la garder, de la préserver de ses imprudences ; d’interpréter, d’excuser ce qui pouvait être en elle de moins excusable.