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faux, son désespoir n’eut point de bornes (p. 163). Les plus cruelles douleurs de l’âme et du corps l’assaillirent. Elle crut un moment se dissoudre. Elle devint quasi folle. « J’eus un tel désir de souffrance ! Je saisis la discipline deux fois, et si violemment que j’en tirai du sang abondamment. » (P. 362). Dans ce terrible égarement qui montre et sa faible tête et la sensibilité infinie de sa conscience, la Guiol l’acheva en lui dépeignant Girard comme un homme à peu près mort. Elle porta au dernier degré sa compassion. (P. 361).

Elle allait lâcher les papiers. Il était pourtant trop visible que seuls ils la défendaient, la gardaient, prouvaient son innocence et les artifices dont elle avait été victime. Les rendre, c’était risquer que l’on changeât les rôles, qu’on ne lui imputât d’avoir séduit un saint, qu’enfin tout l’odieux ne fût de son côté.

Mais, s’il fallait périr ou perdre Girard, elle aimait mieux de beaucoup le premier parti. Un démon (la Guiol sans doute), la tenta justement par là, par l’étrange sublimité de ce sacrifice. Elle lui écrivit que Dieu voulait d’elle un sacrifice sanglant (p. 28). Elle put lui citer les saints qui, accusés, ne se justifiaient pas, s’accusaient eux-mêmes, mouraient comme des agneaux. La Cadière suivit cet exemple. Quand on accusait Girard devant elle, elle le justifiait, disant : « Il dit vrai, et j’ai menti. » (P. 32).

Elle eût pu rendre seulement les lettres de Girard, mais, dans cette grande échappée de cœur, elle ne marchanda pas ; elle lui donna encore les minutes