Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/658

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dans la valetaille et fait à tout faire, il fut, comme sont souvent les petits campagnards, décrassés à demi, un rustre niais et finaud. Il vit bien que le prélat, dès son arrivée à Toulon, était curieux de la Cadière, peu favorable à Girard. Il pensa plaire et amuser, en se faisant à Ollioules espion de leurs rapports suspects. Mais, dès que l’évêque changea, eut peur des jésuites, Camerle, avec le même zèle, servit activement Girard et l’aida contre la Cadière.

Il vint, comme un autre Joseph, dire que Mlle Cadière (comme la femme de Putiphar) l’avait tenté, essayé d’ébranler sa vertu. Si cela avait été vrai, si elle lui eût fait tant d’honneur que de faiblir un peu pour lui, il n’en eût été que plus lâche de l’en punir, d’abuser d’un mot étourdi. Mais une telle éducation de page et de séminariste ne donne ni honneur ni l’amour des femmes.

Elle se démêla vivement et très bien, le couvrit de honte. Les deux indignes commissaires du Parlement la voyaient répondre d’une manière si victorieuse, qu’ils abrégèrent les confrontations, lui retranchèrent ses témoins. De soixante-huit qu’elle appelait, ils n’en firent venir que trente-huit (in-douze, t. I, p. 62). N’observant ni les délais, ni les formes de justice, ils précipitèrent la confrontation. Avec tout cela, ils ne gagnaient rien. Le 25 et le 26 février encore, sans varier, elle répéta ses dépositions accablantes.

Ils étaient si furieux, qu’ils regrettaient de n’avoir pas à Toulon le bourreau et la question « pour la faire un peu chanter ». C’était l’ultima ratio. Les parlements, dans tout ce siècle, en usèrent. J’ai sous