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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/659

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les yeux un véhément éloge de la torture[1], écrit en 1780 par un savant parlementaire, devenu membre du Grand-Conseil, dédié au Roi (Louis XVI), et couronné d’une flatteuse approbation de Sa Sainteté, Pie VI.

Mais, au défaut de la torture qui l’eût fait chanter, on la fit parler par un moyen meilleur encore. Le 27 février, de bonne heure, la sœur converse qui lui servait de geôlière, la fille de la Guiol, lui apporte un verre de vin. Elle s’étonne ; elle n’a pas soif ; elle ne boit jamais de vin le matin, et encore moins de vin pur. La converse, rude et forte domestique, comme on en a dans les couvents pour dompter les indociles, les folles, ou punir les enfants, enveloppe de son insistance menaçante la faible malade. Elle ne veut boire, mais elle boit. Et on la force de tout boire, le fond même, qu’elle trouve désagréable et salé (p. 243-247).

Quel était ce choquant breuvage ? On a vu, à l’époque de l’avortement, combien l’ancien directeur de religieuses était expert aux remèdes. Ici le vin pur eût suffi sur une malade débile. Il eût suffi pour l’enivrer, pour en tirer le même jour quelques paroles bégayées, que le greffier eût rédigées en forme de démenti complet. Mais une drogue fut surajoutée (peut-être l’herbe aux sorcières, qui trouble plusieurs jours) pour prolonger cet état et pouvoir disposer d’elle par des actes qui l’empêcheraient de rétracter le démenti.

Nous avons la déposition qu’elle fit, le 27 février.

  1. Muyart de Vouglans, à la suite de ses Loix criminelles, in-folio, 1780.