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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/660

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Changement subit et complet ! apologie de Girard ! Les commissaires (chose étrange) ne remarquent pas une si brusque variation. Le spectacle singulier, honteux, d’une jeune fille ivre, ne les étonne pas, ne les met pas en garde. On lui fait dire que Girard ne l’a jamais touchée, qu’elle n’a jamais eu ni plaisir ni douleur, que tout ce qu’elle a senti tient à une infirmité. C’est le carme, ce sont ses frères qui lui ont fait raconter comme actes réels ce qui n’a été que songe. Non contente de blanchir Girard, elle noircit les siens, les accable et leur mot la corde au cou.

Ce qui est merveilleux, c’est la clarté, la netteté de cette déposition. On y sent la main du greffier habile. Une chose étonne pourtant, c’est qu’étant en si beau chemin, on n’ait pas continué. On l’interroge un seul jour, le 27. Rien le 28. Rien du 1er au 6 mars.

Le 27 probablement, sous l’influence du vin, elle put parler encore, dire quelques mots qu’on arrangea. Mais, le 28, le poison ayant eu tout son effet, elle dut être en stupeur complète ou dans un indécent délire (comme celui du Sabbat), et il fut impossible de la montrer. Une fois d’ailleurs que sa tête fut absolument troublée, on put aisément lui donner d’autres breuvages, sans qu’elle en eût ni conscience ni souvenir.

C’est ici, je n’en fais pas doute, dans les six jours, du 28 février au 5 ou 6 mars, que se place un fait singulier, qui ne peut avoir eu lieu ni avant ni après. Fait tellement répugnant, si triste pour la pauvre Cadière qu’il est indiqué en trois lignes, sans