seul règne, celui de Philippe V, brûle seize cents personnes, et elle brûle encore une sorcière en 1782. L’Allemagne, une, en 1751 ; la Suisse, une aussi, en 1781. Rome brûle toujours, il est vrai sournoisement, dans les fours et les caves de l’Inquisition[1].
« Mais la France, du moins, sans doute, est plus humaine ? » — Elle est inconséquente. En 1718, on brûle un sorcier à Bordeaux[2]. En 1724 et 1726, on allume le bûcher en Grève, pour les délits qui, à Versailles, passaient pour des jeux d’écoliers. Les gardiens de l’enfant royal, Monsieur le Duc, Fleury, indulgents à la cour, sont terribles à la ville. Un ânier et un noble, un M. des Chauffours, sont brûlés vifs. L’avènement du cardinal-ministre ne peut être mieux célébré que par une réforme des mœurs, par l’exemple sévère qu’on fait des corrupteurs publics. — Rien de plus à propos que d’on faire un terrible et solennel, sur cette fille infernale, qui a tellement attenté à l’innocence de Girard.
Voilà ce qu’il fallait pour bien laver ce Père. Il fallait établir que (même eût-il méfait, imité des Chauffours) il avait été le jouet d’un enchantement. Les actes n’étaient que trop clairs. Aux termes du droit canonique, et d’après ces arrêts récents,
- ↑ Ce détail nous est transmis par un consulteur du Saint-Office encore vivant.
- ↑ Je ne parle pas des exécutions que le peuple faisait lui-même. Il y a un siècle, dans un village de Provence, une vieille, à qui un propriétaire refusait l’aumône, s’emporta et dit ; « Tu mourras demain ! » Il fut frappé, mourut. Tout le village (non pas les pauvres seuls, mais les plus honnêtes gens), la foule saisit la vieille, la mit sur un tas de sarments. Elle y fut brûlée vive. Le Parlement fit semblant d’informer, mais ne punit pas. Aujourd’hui encore les gens de ce village sont appelés brûle-femme (brulo-fenno).