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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/670

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quelqu’un devait être brûlé. Des cinq magistrats du parquet, deux seulement auraient brûlé Girard. Trois étaient contre la Cadière. On composa. Les trois qui avaient la majorité n’exigèrent pas la flamme, épargnèrent le spectacle long et terrible du bûcher, se contentèrent de la mort simple.

Au nom des cinq, il fut conclu et proposé au Parlement : « Que la Cadière, préalablement mise à la question ordinaire et extraordinaire, fût ensuite ramenée à Toulon, et, sur la place des Prêcheurs, pendue et étranglée. »


Ce fut un coup terrible. Il y eut un prodigieux revirement d’opinion. Les mondains, les rieurs, ne rirent plus ; ils frémirent. Leur légèreté n’allait pas jusqu’à glisser sur une chose si épouvantable. Ils trouvaient fort bon qu’une fille eût été séduite, abusée, déshonorée, et qu’elle eût été un jouet, qu’elle mourût de douleur, de délire ; à la bonne heure, ils ne s’en mêlaient pas. Mais, quand il s’agit d’un supplice, quand l’image leur vint de la triste victime, la corde au cou, étranglée au poteau ! les cœurs se soulevèrent. De tous côtés monta ce cri : « On ne l’avait pas vu depuis l’origine du monde, ce renversement scélérat : la loi du rapt appliquée à l’envers, la fille condamnée pour avoir été subornée, le séducteur étranglant la victime ! »

Chose imprévue en cette ville d’Aix (toute de juges, de prêtres, de beau monde), tout à coup il se trouve un peuple, un violent mouvement populaire. En masse, un corps serré, une foule d’hommes de toute classe, d’un élan, marche aux ursulines. On