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procès célèbres, ce n’est plus la sorcière, mais l’ensorcelée (Aix, Loudun, Louviers, affaire de la Cadière, etc.).

Cette chronologie n’était pas encore bien arrêtée pour moi, quand j’essayai, dans mon Histoire, de restituer le Sabbat, en ses actes. Je me trompai sur le cinquième. La vraie sorcière originaire est un être isolé, une religieuse du diable, qui n’a ni amour ni famille. Même celles de la décadence n’aiment pas les hommes. Elles subissent le libertinage stérile, et en portent la trace (Lancre), mais elles n’ont de goûts personnels que ceux des religieuses et des prisonnières. Elles attirent des femmes faibles, crédules, qui se laissent mener à leurs petits repas secrets (Wyer, ch. 27). Les maris de ces femmes en sont jaloux, troublent ce beau mystère, battent les sorcières et leur infligent la punition qu’elles craignent le plus, qui est de devenir enceintes. — La sorcière ne conçoit guère que malgré elle, de l’outrage et de la risée. Mais si elle a un fils, c’est le point essentiel, dit-on, de la religion satanique qu’il devienne son mari. De là (dans les derniers temps) de hideuses familles et des générations de petits sorciers et sorcières, tous malins et méchants, sujets à battre ou dénoncer leur mère. Il y a dans Boguet une scène horrible de ce genre.

Ce qui est moins connu, mais bien infâme, c’est que les grands qui employaient ces races perverses pour leurs crimes personnels, les tenant toujours dépendantes, par la peur d’être livrées aux prêtres, en tiraient de gros revenus. (Sprenger, p. 174, éd. de Lyon.)

Pour la décadence de la sorcellerie et les dernières persécutions dont elle fut l’objet, je renvoie à deux livres excellents qu’on devrait traduire, ceux de MM. Soldan et Wright. — Pour ses rapports avec le magnétisme, le spiritisme, les tables tournantes, etc., on trouvera de riches détails dans la curieuse Histoire du merveilleux, par M. Figuier.



IX


J’ai parlé deux fois de Toulon. Jamais assez. Il m’a porté bonheur. Ce fut beaucoup pour moi d’achever cette sombre histoire dans le pays de la lumière. Nos travaux se ressentent de la contrée où ils furent accomplis. La nature tra-