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INTRODUCTION

un accident si passager vaudrait à peine l’attention. Ce serait une de ces maladies éphémères, superficielles, dont on cherche seulement à être quitte au meilleur marché possible.

Mais, fort heureusement, l’amour (et j’entends l’amour fidèle et fixé sur un objet) est une succession, souvent longue, de passions fort différentes qui alimentent la vie et la renouvellent. Si l’on sort des classes blasées qui ont besoin de tragédies, de brusques changements à vue, je vois l’amour continuer le même, parfois toute une vie, avec différents degrés d’intensité, des variations extérieures qui n’en altèrent pas le fond. Sans doute, la flamme ne brûle qu’à condition de changer, hausser, baisser, remonter, varier de forme et de couleur. Mais la nature y a pourvu. La femme varie d’aspect sans cesse ; une femme en contient mille. Et l’imagination de l’homme varie aussi le point de vue. Sur le fond généralement solide et tenace de l’habitude, la situation dessine des changements qui modifient, rajeunissent l’affection.

Prenez, non pas l’exception, le monde élevé, romanesque, mais la règle, la majorité, les ménages de travailleurs (c’est la presque totalité), vous y voyez que l’homme, plus âgé que la femme de sept ans, dix ans peut-être, et qui a été d’ailleurs bien plus mêlé à la vie, domine d’abord de beaucoup sa jeune compagne par l’expérience, et l’aime un peu comme sa fille. -- Elle l’égale ou le dépasse bien vite la maternité, la sagesse économique, augmentant son importance, elle compte autant que lui, et elle est aimée comme sœur. -- Mais, quand le métier, la