Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/402

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commence à devenir possible, justement parce qu’aujourd’hui elle est une personne et une âme.

Sérieusement, êtes-vous des hommes ? Cette puissance que vous prenez maintenant sur la nature par votre irrésistible génie d’invention, est-ce qu’elle vous manquera ici ? Un seul être, celui qui résume la nature et qui est tout le bonheur, sera hors de votre portée ! Par la science, vous atteignez les scintillantes beautés de la voie lactée ; est-ce que celles de la terre, plus indépendantes de vous, vont vous renvoyer (comme la Vénitienne renvoya Rousseau) aux mathématiques ?

Votre grosse objection sur l’opposition de la foi, la difficulté d’amener la femme à la vôtre, elle ne me semble pas bien forte pour qui envisage froidement, pratiquement, la difficulté.

La fusion ne s’opérera complètement qu’en deux mariages, deux générations successives.

La femme qu’il faut épouser, c’est celle que j’ai donnée dans le livre de l’Amour, celle qui, simple, et aimante, n’ayant pas encore reçu une empreinte définitive, repoussera le moins la pensée moderne, celle qui n’arrive pas d’avance ennemie de la science et de la vérité. Je l’aime mieux pauvre, isolée, peu entourée de famille. La condition, l’éducation est chose fort secondaire. Toute Française naît reine ou près de le devenir.

Comme épouse, la femme simple que l’on peut élever un peu. Et, comme fille, la femme croyante, qu’un père élèvera tout à fait. Ainsi se trouvera rompu ce misérable cercle où nous tournons, où la femme empêche de créer la femme.