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VIII

ELLE VEUT S’ASSOCIER ET DÉPENDRE


J’ai entendu un jour un joli mot de paysan : « Voyez ! il n’y a que huit jours qu’ils sont mariés, ils sont déjà si amoureux ! »

Ce déjà est charmant, il exprime une chose bien vraie, profondément humaine qu’on s’aime à mesure qu’on se connaît mieux, qu’on a vécu ensemble et beaucoup joui l’un de l’autre. Il étonnera les blasés, les malades et les fatigués. L’estomac dérangé s’imagine toujours devoir changer de nourriture ; il les trouve toutes insipides et n’en a pas plus d’appétit. Plus sain, il sentirait que le même n’est jamais le même quand le goût a sa rectitude naturelle, il perçoit à merveille de délicates nuances dont cette nourriture identique est incessamment diversifiée.

Si cela est vrai du goût, du plus grossier des sens, combien davantage du plus fin, et du plus multiple, l’amour ? Dans les espèces supérieures, tous sentent que l’on varie bien plus par les renouvellements, les