Page:Michelet - OC, Les Femmes de la Révolution, Les Soldats de la Révolution.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

il faut le dire, Louis XVI aimait la Bastille, il ne voulait pas lui faire tort, la perdre de réputation.

Le roi était très humain. Il avait supprimé les bas cachots du Châtelet, supprimé Vincennes, créé la Force pour y mettre les prisonniers pour dettes, les séparer des voleurs.

Mais la Bastille, la Bastille ! c’était un vieux serviteur que ne pouvait maltraiter à la légère la vieille monarchie. C’était un mystère de terreur, c’était, comme dit Tacite, instrumentum regni.

Quand le comte d’Artois et la reine, voulant faire jouer Figaro, le lui lurent, il dit seulement, comme objection sans réponse : « Il faudrait donc alors que l’on supprimât la Bastille ? »

Quand la révolution de Paris eut lieu, en juillet 89, le roi, assez insouciant, parut prendre son parti. Mais quand on lui dit que la municipalité parisienne avait ordonné la démolition de la Bastille, ce fut pour lui comme un coup à la poitrine : « Ah ! dit-il, voici qui est fort ! »

Il ne pouvait pas bien recevoir en 1781 une requête qui compromettait la Bastille. Il repoussa celle que Rohan lui présentait pour Latude. Des femmes de haut rang insistèrent. Il fit alors consciencieusement une étude de l’affaire, lut tous les papiers ; il n’y en avait guère d’autres que ceux de la police, ceux des gens intéressés à garder la victime en prison jusqu’à la mort. Il répondit définitivement que c’était un homme dangereux ; qu’il ne pouvait lui rendre la liberté jamais.

Jamais ! tout autre en fût resté là. Eh bien, ce qui ne se fait pas par le roi se fera malgré le roi.