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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

avait rédigé un projet de pétition timide, que les Cordeliers écartèrent. Des meneurs des Cordeliers les uns furent arrêtés le matin, les autres se cachèrent pour ne pas l’être. Il se trouva un moment que, Danton, Desmoulins, Fréron, Legendre, ne paraissant pas, des Cordeliers fort secondaires, comme était Robert, se trouvèrent là en première ligne, et à même de prendre l’initiative.

La petite Mme Robert, adroite, spirituelle et fière (c’est le portrait qu’en fait Mme Roland), ambitieuse surtout, impatiente de traîner depuis longtemps dans l’obscur labeur d’une femme qui écrit pour vivre, saisit l’occasion aux cheveux. Elle dicta, je n’en fais nul doute, et le gros Robert écrivit.

Le style semble trahir l’auteur. Le discours est coupé, coupé, comme d’une personne haletante. Plusieurs négligences heureuses, de petits élans dardés (comme la colère d’une femme, ou celle du colibri), dénoncent assez clairement la main féminine. « Mais, messieurs, mais, représentants d’un peuple généreux et confiant, rappelez-vous », etc.

Mme Roland avait été le matin au Champ de Mars pour pressentir le tour que prendraient les choses. Elle revint, croyant sans doute qu’il n’y aurait rien à faire. La veille au soir, elle avait vu la salle des Jacobins envahie par une foule étrange qu’on croyait, non sans vraisemblance, payée par les orléanistes qui voulaient détourner à leur profit le mouvement républicain.

Donc, ce furent les Cordeliers seuls, M. et Mme Robert en tête, qui restés au Champ de Mars, au milieu du peuple, écrivant pour lui, eurent réellement cette