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Mlle KÉRALIO

audacieuse initiative, dont les Girondins, puis les Jacobins, devaient bientôt profiter.

Qu’était-ce que Mme Robert (Mlle Kéralio) ?

Bretonne par son père, mais née à Paris en 1758, elle avait alors trente-trois ans. C’était une femme de lettres, on pourrait dire une savante, élevée par son père, membre de l’Académie des Inscriptions. Guinement de Kéralio, chevalier de Saint-Louis, avait été appelé avec Condillac à l’éducation du prince de Parme. Professeur de tactique à l’École militaire, inspecteur d’une école militaire de province, il avait eu parmi ses élèves le jeune Corse Bonaparte. Son traitement ne suffisant pas à soutenir sa famille, il écrivait au Mercure, au Journal des savants, et faisait de plus une foule de traductions. La petite Kéralio n’avait pas dix-sept ans qu’elle traduisait et compilait. À dix-huit ans, elle fit un roman (Adélaïde) dont personne ne s’aperçut. Alors, elle mit dix ans à faire un ouvrage sérieux, une longue Histoire d’Élisabeth, pleine d’études et de recherches. Par malheur, ce grand ouvrage ne fut achevé qu’en 89 ; c’était trop tard ; on faisait l’histoire au lieu de la lire. Vite le père et la fille se tournèrent aux choses du temps. Mlle Kéralio se fit journaliste, rédigea le Journal de l’État et du citoyen. Le vieux Kéralio fut, sous La Fayette, instructeur de la garde nationale. On ne voit pas que ni lui ni elle y aient beaucoup profité. Il avait perdu la place qui le faisait vivre, lorsque sa fille, fort à point, trouva un mari.

Ce mari, très opposé au parti de La Fayette, était le cordelier Robert, qui, dès la fin de 90, suivant hardiment la voie de Camille Desmoulins, avait écrit