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LUCILE DESMOULINS

le poignarder… » Camille revint à une heure ; il s’endormit sur mon épaule… Mme Danton semblait se préparer à la mort de son mari. Le matin on tira le canon. Elle écoute, pâlit, se laisse aller, et s’évanouit…

« Qu’allons-nous devenir, ô mon pauvre Camille ? je n’ai plus la force de respirer… Mon Dieu ! s’il est vrai que tu existes, sauve donc des hommes qui sont dignes de toi… Nous voulons être libres ; ô Dieu ! qu’il en coûte !… »


Lucile, qui se montre si naïvement dans sa faiblesse de femme, fut un héros à la mort.

Il faut la voir à ce moment décisif où il fut délibéré, entre Desmoulins et ses amis, s’il ferait le pas décisif, et probablement mortel, de réclamer pour les libertés de la presse et de la tribune, étouffées par l’arrestation de son ami Fabre d’Églantine, s’il oserait se mettre en travers du torrent de la Terreur !

Qui ne voyait en ce moment le danger du pauvre artiste ?… Entrons dans cette humble et glorieuse maison (rue de l’Ancienne-Comédie, près de la rue Dauphine). Au premier demeurait Fréron. Au second Camille Desmoulins et sa charmante Lucile. Leurs amis, terrifiés, venaient les prier, les avertir, les arrêter, leur montrer l’abîme. Un homme nullement timide, le général Brune, familier de la maison, était un matin chez eux, et conseillait la prudence. Camille fit déjeuner Brune, et, sans nier qu’il eût raison, tenta de le convertir. « Edamus et bibamus, dit-il en latin à Brune, pour n’être entendu de