Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Les Femmes de la Révolution, Les Soldats de la Révolution.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
425
LES GUETTES DE DÉLIVRANCE

l’horreur visible des populations ensauvagèrent les nôtres, et souvent les rendirent impitoyables. Les résistances atrocement héroïques de Saragosse et autres villes n’imposèrent point l’admiration ; le carnaval des moines qui y était mêlé rendait tout cela burlesque pour un Français. Et non sans apparence. Quoi ! ces efforts désespérés, épouvantables, pour rétablir un Ferdinand et restaurer l’Inquisition.

La fureur, cette maladie qui si facilement fait bouillonner l’Espagne, comme on l’a toujours vu dans les persécutions des Juifs, des Maures, est fort contagieuse et se gagne aisément ; on le vit dans les sièges obstinés de 1808. Des assiégés, des assaillants, quels étaient les plus furieux ?

Après Wagram, on demandait à Bonaparte pourquoi il n’avait pas attendu, comme à Austerlitz, que l’ennemi commençât à l’envelopper. Il dit : « Cette, armée de Wagram, ce n’est plus l’armée d’Austerlitz ! »

Disons-le cependant, si l’armée, par son démembrement, avait beaucoup perdu de ses hautes qualités, morales, elle avait toujours ses grandes qualités militaires, qui se reproduisaient en partie, même dans la jeune armée des conscrits de 1808. Seulement, on n’avait plus la foi, on exagérait le temps qui serait nécessaire pour refaire, rajuster cette énorme machine ; on croyait qu’il y faudrait au moins six mois. On ne voyait pas que, pour entraîner cette jeunesse, il suffisait de mettre au milieu d’elle un Lannes, par exemple, encore bouillant de Saragosse, un de ces grands drapeaux vivants, dont la flamme électrique pouvait emporter tout.