En parcourant le grand livre des Constitutions des Jésuites, on est effrayé de l’immensité des détails, de la prévoyance infiniment minutieuse dont il témoigne : édifice toutefois plus grand que grandiose[1], qui fatigue à voir, parce qu’il n’offre nulle part la simplicité de la vie, parce qu’on y sent avec effroi que les forces vivantes y figurent comme des pierres. On croirait voir une grande église, non pas comme celle du moyen âge, dans sa végétation naïve, — non ! une église dont les murs n’offriraient que têtes et visages d’hommes entendant et regardant, mais nul corps, nul membre, les membres et les corps étant cachés pour toujours, et scellés, hélas ! au mur immobile.
Tout bâti sur un principe : surveillance mutuelle, dénonciation mutuelle, mépris parfait de la nature humaine (mépris naturel peut-être à la terrible époque où fut fondé cet institut).
Le supérieur est entouré de ses consulteurs, les pro-
- ↑ Tout ce qu’on trouve dans ce livre d’emprunté au moyen âge, y prend un caractère moderne, souvent très-opposé à l’ancien esprit. Ce qui y règne, c’est un esprit scribe, une manie réglementaire infinie, une curiosité gouvernementale qui ne s’arrête jamais, qui voudrait voir, atteindre le fond par delà le fond. De là, les raffinements inouïs de leur casuistique, et ce triste courage de soulever et décomposer la boue, au risque d’embourber encore plus… — Au total : petit esprit, subtil et minutieux, mélange bâtard de bureaucratie et de scolastique… Plus de police que de politique.