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À A. GEVAERT



Vous souvenez-vous, mon excellent ami, du concert que R. Wagner organisa au Théâtre Italien de Paris (25 janvier 1860), concert où il fit entendre pour la première fois sous sa direction — (j’ai là le programme sous les yeux).

L’Ouverture du Vaisseau-Fantôme.
L’Ouverture et la Marche avec Chœurs de Tannhauser.
Le Prélude et la Fête nuptiale de Lohengrin.
Le Prélude de Tristan et Iseult.

Ce fut pour le monde musical d’alors, un événement de nature à amorcer fiévreusement la curiosité parisienne, en raison des polémiques violentes que provoqua dans la publicité, l’apparition des écrits révolutionnaires de Wagner concernant ses idées si hardiment réformatrices du drame lyrique.

On accourut en foule pour voir l’homme, pour entendre ses œuvres.

Vous vous rappelez l’effervescence de ce public troublé ; cette physionomie si curieuse de la salle, où nombre d’énergumènes de parti pris, ne se gênèrent nullement pour manifester carrément leurs sentiments d’hostilité ; où d’autres, — aussi poseurs qu’ignares, — crurent de bon ton de se distinguer par la raillerie et le persiflage ; tandis que quelques auditeurs, impressionnés de bonne foi, n’osèrent cependant formuler leur opinion, qu’en se précautionnant de multiples restrictions, afin d’atténuer le sens trop laudatif de leur approbation.

Un groupe très agité s’était formé au foyer, pendant l’interruption (jui précédait la seconde partie du programme. On faisait cercle autour d’Halévy, Amb. Thomas, Auber, Clapisson, etc.

On discutait l’ouverture de Tannhäuser...

Vous arriviez

« Et vous, Gevaert, clama Jouvin, qu’est-ce que vous dites de cette farce d’ouverture, à laquelle ce serait faire trop de politesse, que de la gober comme si c’était l’ouverture d’une… farce ? »