« Ce que j’en dis, répondites-vous — c’est que je voudrais l’avoir faite, afin de prendre le chemin le plus court pour aller à la postérité. »
« Ah ! elle est bonne la blague, riposta Jouvin ; puis il ajouta (en style boulevardier) vous savez, mon p’tit, on ne me la fait pas... à moi ! »
Et voilà qu’elle a pris le chemin de la postérité, cette ouverture ! Seulement mon amitié regrette, que ce ne soit pas vous qui l’ayez composée.
Ceci, à propos du récit qui va suivre : — La Visite de Wagner à Rossini — récit que dans ma première pensée, je n’avais pas destiné à la publicité.
Vous le savez : les notes que j’ai conservées de mes longues relations avec Rossini — et où je retrouve tous les détails relatifs à cette entrevue avec Wagner, — je les ai en effet toujours considérées comme un mémorial de confidences intimes, que jusqu’ici je n’ai jamais songé à divulguer en dehors d’un cercle restreint d’amis, parmi lesquels, il est vrai, plusieurs familiers qui vivent encore de l’ancien entourage de l’auteur du Barbier, m’ont incité maintes fois à livrer à l’impression, quelques extraits de ces souvenirs.
Un désir analogue me fut exprimé, lorsque l’année dernière, à l’une des réceptions de la famille Wagner à Bayreuth — le cours de la conversation ayant amené l’attention sur la visite que fit le Maître à Rossini en 1860, — je me trouvai précisément en mesure de fournir la relation la plus circonstanciée du caractère de cette entrevue, à laquelle j’avais été présent.
Tenant compte de ces instances et d’autres encore qui se sont renouvelées depuis, — je m’exécute..., et voilà comment il se fait que j’exhume aujourd’hui un document, — enfoui depuis quarante six ans dans mes cartons, — mais dont la teneur, malgré son caractère rétrospectif, comporte peut-être encore, j’ose le croire, un certain intérêt d’actualité.
Lisez cela, mon cher Gevaert, et reportez-vous en esprit à l’époque de nos bonnes années de jeunesse à Paris, alors que vous connûtes, comme moi, de près, les deux hommes de génie, immortalisés depuis, dont je vais retracer la physionomie et redire les paroles.
À vous donc, l’hommage de ces souvenirs.
- Votre affectionné,
- E. MICHOTTE.
- Votre affectionné,
Bruxelles, 15 avril 1906.