Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

térêt de notre grande œuvre nationale, elle répondrait mal, d’ailleurs, à la pensée du gouvernement qui a institué cette chaire.

Ce qui frappe le plus dans la littérature, dans les langues slaves, c’est leur étendue, leur surface géographique, si l’on peut s’exprimer ainsi. Cette littérature, ces langues appartiennent à une population immense à un territoire considérable. Soixante-dix millions d’hommes, qui couvrent la moitié de l’Europe et le tiers de l’Asie, parlent des dialectes de la langue slave. Si on tire une ligne du golfe de Venise à l’embouchure de l’Elbe, on trouve en dehors de cette ligne, et sur toute sa longueur, les restes, les débris des populations slaves refoulées vers le nord par la race germanique et par la race romane. Leur existence posthume ici, n’appartient déjà plus qu’au passé ; mais plus loin, vers les Karpats, ce rempart séculaire de la Slavie, aux deux extrémités de l’Europe, on voit les races slaves engagées dans des luttes acharnées. Sur la mer Adriatique, elles combattent l’islamisme ; et, sur la mer Baltique, soumises d’abord à une race étrangère, elles se sont relevées, elles prennent aujourd’hui le dessus. Entre ces points extrêmes, le tronc slave s’étend dans toute sa force et jette deux branches, l’une vers l’Amérique, l’autre à travers les Mongols et les Caucasiens, jusque dans le sein de la Perse et presque de la Chine, regagnant ainsi dans cette partie du monde ce qu’il a perdu de ses possessions en Europe.

La race slave renferme en elle, à l’époque présente, toute la série, toute la diversité des formes politiques et religieuses dont l’histoire ancienne et