Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/122

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attendait beaucoup de cette réforme ; mais on s’est bientôt aperçu que les formules sacramentelles en latin ou en français, également comprises des savants, restaient toujours inaccessibles au peuple.

L’introduction du latin dans le culte religieux a eu pour les peuples slaves des résultats importants. La connaissance du latin donnait la clef des antiquités romaines et de la littérature du moyen âge. Le clergé s’initiait ainsi à la civilisation de l’Occident, et plus tard, en écrivant et en parlant, il formait et polissait la langue, il y introduisait des formes antiques et savamment élaborées. Le grec, au contraire, négligé par le clergé d’Orient, n’a pu rendre les mêmes services aux pays détachés de l’Église universelle ; il est resté inconnu en Russie, et ce n’est que dernièrement qu’on a ordonné de l’enseigner dans les collèges.

On reproche encore au Christianisme d’avoir effacé le passé des Slaves, d’avoir détruit leurs monuments poétiques ; mais quels étaient donc ces monuments de la Slavie païenne ? D’après ce que nous avons dit, il est facile de voir qu’une vaste littérature, l’épopée, par exemple, ne pouvait naître dans ce pays. Les doléances de ceux qui regrettent des épopées perdues sont donc vaines et mal fondées. Le drame n’a pu se former chez des peuples où la vie politique, les idées littéraires, les conceptions artistiques étaient si peu développées. La seule poésie lyrique, qui est l’expression des sentiments de la vie domestique, avait un champ favorable sur la terre slave ; mais cette poésie y fleurit encore aujourd’hui