Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/32

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lors, a déjà sa route tracée ; elle s’avance vers l’épopée. Elle est complètement dépourvue d’éléments dramatiques ; car le drame veut la lutte des passions, il exige le jeu de caractères individuels, le frottement d’intérêts particuliers.

Longtemps encore, jusqu’à la renaissance, cest-à-dire jusque sous Catherine, la littérature russe conserve plusieurs traits de ce caractère primitif. A dater de ce moment, la religion s’en retire, l’intérêt monarchique y domine ; elle se fait tout autocrate. Après la centralisation de toutes les forces dans une seule main, après l’établissement de l’unité nationale, il fallut en déduire les conséquences. Alors la littérature prend l’initiative ; elle pousse le Pouvoir. Nous voyons ensuite les poëtes russes marcher souvent dans les voies tracées par les Français, imiter parfois la poésie anglaise ; mais, qu’ils soient frappés par un événement national, tous ces poëtes se retrouvent aussitôt russes : graves, tristes et orgueilleux.

La lutte que les Polonais soutinrent contre les Turcs présente un caractère tout différent : autre était l’ennemi contre lequel ils avaient affaire, autre le but, autres les moyens, autres les résultats. De tous les peuples d’origine ouralienne, les tribus turques sont celles qui se rapprochent le plus de la souche connue sous le nom d’Indo-Germanique. Mêlés aux belles races des pays conquis, les Turcs perdirent bientôt leur laideur primitive. Leurs manières sont empreintes de noblesse et de majesté. Doués d’une énergie prodigieuse, bien qu’un peu mous de corps, ils n’offrent, sous le rapport moral,