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Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/90

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petites colonies, sans aucun lien entre elles, exclusivement occupées d’agriculture ; une fourmilière de camps agricoles, ou, pour nous servir d’une expression moderne, une infinité de phalanstères, et vous aurez une idée de cette organisation. On peut dire que le rêve de Fourier s’y est réalisé sous un certain rapport. L’égalité complète et un travail commun, varié et attrayant y formaient l’ensemble de l’existence sociale. Ce peuple pouvait jouir d’une égalité parfaite, parce que tous les individus avaient les mêmes goûts et les mêmes moyens de les satisfaire ; ils ne connaissaient qu’un seul genre de vie, la vie agricole.

L’agriculture n’est ni une science ni un art ; tout le monde possède le talent et les forces nécessaires à la culture des champs. Il était donc possible de diriger les enfants de cette grande famille vers un même but, en variant à l’ini-ini leurs travaux. La division du travail par séries et par groupes existe encore actuellement dans plusieurs villages. Le paysan parcourait toute l’échelle de la vie agricole : il commençait par être pâtre, puis il devenait successivement berger, faucheur, laboureur ; puis enfin il arrivait, dans sa vieillesse, à être semeur.

La fonction de semeur est encore regardée aujourd’hui comme une fonction auguste et presque religieuse. On ne confie le soin des semailles qu’aux vieillards. Les Slaves, on le voit, pouvaient changer d’occupation, et chaque individu connaissait ainsi tous les détails de la vie des champs. Pour une telle société, l’existence en commun est une nécessité ;