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Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/91

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lorsque les gouvernements prussien et autrichien et les seigneurs polonais voulurent, dans l’intérêt même de l’agriculture, établir le système des fermes sur leurs propriétés, ils contrarièrent les paysans, la réforme avorta complètement. Mais il faut, pour que la vie commune puisse subsister, qu’on n’y sente aucun de ces besoins qui absorbent l’homme. Une religion forte n’existant point encore, il n’y avait ni arts ni sciences ; une seule de ces tendances une fois développée devait détruire l’existence agreste des Slaves et finir le bonheur dont jouissait leur antique population. Elle était réellement heureuse. Les écrivains grecs et ceux du moyen âge la représentent comme une race contente et gaie ; plus tard, lorsque les Allemands eurent subjugué une partie de ces peuples, dont la vie était composée de travail, de chant et de danse, ils s’étonnèrent de leurs mœurs joyeuses, et les appelaient les Slaves danseurs, Slavus saltans.

Le bonheur des Slaves, comme celui de la population primitive de Saint-Domingue, a disparu du moment où la civilisation a mis le pied sur leur territoire ; leur état social était incompatible avec tout progrès, il leur assurait seulement la félicité physique.

Cette longue période d’existence purement domestique, qui commence 780 ans avant Jésus-Christ, et se termine en l’an 600 de l’ère chrétienne, n’a laissé aucun souvenir historique proprement dit. L’activité des Slaves ne s’est pas employée à élever des monuments d’architecture ; ils n’ont laissé ni villes, ni constructions d’art, pas même des médailles, des monnaies ou des inscriptions. De leurs travaux il ne