Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/95

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indéfinies et inachevées, tout le tableau est enveloppé de quelque chose de mystérieux, comme s’il vacillait encore dans le chaos de la création. C’est là ce qui distingue avant tout les contes anciens des contes modernes.

Ne faut-il voir dans ces récits que le fruit d’une imagination déréglée, ou peut-on espérer qu’en les étudiant avec attention, on arrivera à quelque réalité ? La science moderne, interrogeant les entrailles de la terre, a retrouvé les débris d’une nature qui, depuis des siècles, a cessé d’exister à la surface du globe ; ces débris nous ont mis sur les traces de créatures qui ressemblent d’une étrange façon aux êtres mystérieux dont parlent nos fables traditionnelles. De temps immémorial, et chez tous les peuples, il est fait mention de dragons monstrueux ; et il n’y a pas longtemps qu’on a découvert aux environs de Paris l’empreinte d’un reptile ailé d’une colossale grandeur.

On serait tenté de croire que ces contes sont basés sur des souvenirs antédiluviens conservés par les patriarches de la race humaine, et répandus dans le monde à l’époque de la dispersion des peuples asiatiques. Une masse de preuves appuient, d’ailleurs, la communauté d’origine de ces traditions poétiques. Les fables d’Apulée, qui écrivait en Afrique au IIIe siècle après Jésus-Christ, se retrouvent presque mot pour mot dans nos contes populaires ; il est telle histoire de Rabelais qui révèle évidemment la même source : tout ce que ces écrivains y ont puisé de fantastique pour leurs récits, tout ce qu’on lit de merveilleux dans les interminables romans du moyen âge. les enfants