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Au-dessus de leur voûte immobile, le vent
Hurlait, pleurait, grondait, comme un monstre vivant.
Bruit sourd, étourdissant ! On eût dit la tempête
Déchaînant l’Océan suspendu sur ma tête.

Plus bas est-ce une ville en ruines ? Ce tronc,
Qui semble soutenir sur son grand socle rond
Des fragments de piliers ou des pans de murailles,
C’est un chêne entouré d’ais morts et de broussailles.
Plus loin est un rempart d’herbes. — Nul n’oserait
S’y risquer : c’est l’abri des rois de la forêt,
Sangliers, ours et loups ; on voit devant l’entrée
Une carcasse humaine à moitié dévorée.
Là jaillissent parfois par-dessus les flots verts,
Ainsi que deux jets d’eau, deux ramures de cerfs ;
Leur poil fauve et doré passe dans ces feuillages,
Comme un rayon qui brille et fuit dans les branchages.

Tout se tait. Le pivert de son bec indiscret
Frappe un tronc et plus loin s’envole et disparaît.
Mais à petits coups secs son bec frappe et refrappe :
Tel un enfant caché crie et veut qu’on l’attrape.
Rongeant une noisette, apparaît l’écureuil ;
Sa queue en éventail retombe sur son œil.
D’un casque de dragon on dirait le panache.
Il regarde partout, il se montre, il se cache.
Quelqu’un vient… Le léger danseur de la forêt
D’arbre en arbre bondit, puis soudain disparaît
Dans l’invisible trou d’un tronc qu’il escalade :
Telle en l’arbre natal s’enferme une dryade.
Tout se tait.

Tout se tait. Mais bientôt j’entends un frôlement
Parmi les grappes d’or d’un sorbier : plus charmant,
Plus rosé que ses fruits, un frais visage brille.
Cette apparition, c’est une jeune fille :
Dans un panier d’écorce elle va vous offrir
Des mûres qu’aux buissons sa main vient de cueillir.
Un jeune homme la suit et lui courbe les branches :
Elle saisit au vol les fruits verts, les fleurs blanches.

Mais le cor retentit, les chiens ont aboyé :
La chasse se rapproche et le couple effrayé
Au plus épais du bois, sous les pins, sous les aunes,
Disparaît à mes yeux comme un couple de faunes.