Page:Migne - Encyclopédie théologique - Tome 27.djvu/598

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« Mais outre ces idées, qu’on trouve répétées chez tant de nations, ces insulaires avaient celle de sept cieux ils ajoutaient que Dieu, après avoir essayé d’unir les différentes matières pour en former notre globe, voyant qu’elles refusaient de se joindre intimement, les lança de la main droite. Mais voici le passage :

Ete touma, Les pivots (ou les matières solides du centre de la terre),
Ete papa, les pierres,
Ete one, les sables,
O o, nous sommes.
Otoï na mai pohia teï fanoua. Venez, vous qui devez former cette nouvelle terre.
Pohio, Il les presse,
popohia, il les presse encore ;
aeta ia e fahirire. mais les matières ne veulent pas s’unir.
Toro o hitou te raï, Alors, de la main droite, il lance les sept cieux,
e pau moua. pour en former la première base.
Fanaï aï te raï pau mouri ; Et la lumière est créée, l’obscurité n’existe plus ;
mataroa e pau roto pau ahaï te pau tia. tout était aperçu, et l’intérieur de l’univers éclairé ; le dieu lui-même resta ravi en extase à la vue de l’immensité.
Ete pau noho, Est finie la mobilité,
fanau te ori. le mouvement est créé.
E pau va arere, Est fini l’office des messagers,
ete va ore rareo, est fini l’emploi des orateurs.
E faa ite touma, Sont placés les pivots,
e faa ite papa, sont placés les pierres,
e faa one ; sont posés les pierres,
a toto te raï, les cieux se sont élevés,
ia hoho nou. la mer est dans ses profondeurs.
E pau fanoua nohoau Est achevée la création de l’univers.
30° Cosmogonie des îles Tonga.

Un jour le dieu Tangaloa alla pêcher à la ligne, et il arriva que l’hameçon resta accroché à un rocher au fond de la mer. En retirant sa ligne, le dieu amena à la surface des eaux toutes les îles Tonga, qui n’eussent formé qu’une seule terre, si sa ligne n’eût pas rompu, ce qui fut cause que cette terre se divisa en plusieurs fragments isolas, comme elle l’est aujourd’hui. Les naturels montrent dans un rocher un trou de deux pieds de diamètre environ qui le traverse en entier, et où l’hameçon de Tangaloa demeura fixé. Cet hameçon fut remis à la famille du Toui-tonga, qui le perdit, il y a près de cinquante ans, lors de l’incendie de sa maison.

Les terres de Tonga, une fois amenées au-dessus des eaux, furent, par l’influence divine, couvertes de plantes, d’arbres et d’animaux semblables à ceux du Bolotou (paradis), mais de qualités inférieure et d’une nature périssable. Tangaloa, voulant ensuite peupler ces îles d’êtres intelligents, dit à ses eux fils « Prenez avec vous vos femmes, et allez vous établir à Tonga ; divisez la contrée en deux, et habitez chacun sur votre portion. » Les deux fils exécutèrent cet ordre le nom de l’aîné était Toubo celui du cadet, Vaka-Ako-Ouli. Celui-ci était fort habile et doué d’une grande sagesse ce fut lui qui inventa le premier les haches, les colliers, les étoffes de papa-langui et les miroirs. Toubo était bien différent c’était un fainéant, qui passait son temps à se promener, à dormir, et à convoiter les beaux ouvrages de son frère. Ennuyé de les demander, il résolut de le tuer, et se cacha pour exécuter son mauvais dessein. Il rencontra un jour Vaka-Ako-Ouli qui se promenait, et l’assomma. Alors son père arriva du Bolotou dans une violente colère ; il demanda à Toubo : « Pourquoi as-tu tué ton frère ? Ne pouvais-tu pas travailler comme lui ? Fuis, malheureux, fuis ; et dis à la famille de Vaka-Ako-Ouli de venir ici. » Ceux-ci vinrent, et Tangaloa leur adressa ces paroles : « Lancez vos pirogues à la mer ; faites route à l’est, vers la grande terre, et fixez-y votre séjour. Votre peau sera blanche comme votre âme, car votre âme est pure. Vous serez habiles ; vous ferez des haches, toutes sortes de bonnes choses et de grandes pirogues. En même temps je dirai au vent de toujours souffler de votre terre vers Tonga ; quant aux habitants de cette ile, ils ne pourront venir vers vous avec leurs mauvaises pirogues. » Puis Tangaloa parla ainsi au frère aîné et à sa famille « Vous serez noirs, car votre âme est méchante, et vous serez dépourvus de tout. Vous n’aurez point de bonnes choses ; vous n’irez point à la terre de votre frère ; comment pourriez-vous le faire avec vos mauvaises pirogues ? Mais vos frères viendront quelquefois à Tonga pour commercer avec vous. »

Suivant une autre tradition, les îles Tonga avaient déjà été tirées de dessous l’eau, mais n’étaient pas encore peuplées d’êtres intelligents, lorsque les dieux secondaires du Bolotou, curieux de voir le nouveau monde, s’embarquèrent dans une grande pirogue au nombre de 200, hommes et femmes, pour se rendre à l’île Tonga. Enchantés de la nouveauté du lieu, ils formèrent la résolution d’y rester, et dépecèrent en conséquence leur grande pirogue pour en faire de petites. Mais, au bout de quelques jours, il mourut deux ou trois de ces dieux, et cet événement consterna les autres qui se trouvaient immortels. Vers le même temps, l’un d’entre eux éprouva une sensation étrange, et il en conclut qu’un des dieux supérieurs du Bolotou venait pour l’inspirer. Il le fut en effet, et annonça à ses compagnons que les dieux supérieurs avaient décidé que, puisqu’ils étaient venus à Tonga, qu’ils en avaient respiré l’air et goûté les fruits, ils deviendraient mortels, qu’ils peupleraient le monde d’êtres mortels aussi, et que tout ce qui les entourerait serait mea marna (mortel, périssable). Cette décision les attrista beaucoup, et ils commencèrent à se repentir d’avoir détruit leur grand canot. Ils en construisirent un autre, et plusieurs d’entre eux s’y embarquèrent, dans l’espoir de regagner le Bolotou, comptant revenir prendre leurs compagnons, s’ils réussissaient dans leur entreprise. Mais après avoir vainement cherché cette terre tant désirée, ils retournèrent tristement à Tonga, qui leur dut sa population.