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Page:Migne - Encyclopédie théologique - Tome 27.djvu/8

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souverains de l’Europe, pour leur ordonner, de la part de Dieu, de se faire quakers. Cromvel, qui venait d’usurper la souveraine puissance en Angleterre, ayant entendu parler de cette secte singulière, fut curieux d’en connaître le chef. Il crut voir dans Fox quelques traits de son caractère, et il conçut de ce fanatique une opinion assez avantageuse. Il publia un édit qui ordonnait aux magistrats de protéger les quakers contre les insultes qu’on voudrait leur faire ; mais il défendit en même temps à ces sectaires de tenir aucune assemblée publique. Il ne fut point obéi les quakers continuèrent leurs assemblées, et l’on ne cessa point de sévir contre eux. Ils furent encore traités avec plus de rigueur sous le règne de Charles II. On les peignit à ce prince comme des hommes dangereux, ennemis de l’Etat et perturbateurs du repos public. En effet, les maximes de cette secte devaient paraître naturellement fort révoltantes. Persuadés que les hommes ne devaient rendre hommage qu’à Dieu, ils auraient cru commettre un crime, s’ils avaient donné à un autre homme quelque marque de respect. Ils ne saluaient personne ils tutoyaient tout le monde la naissance, les dignités, les richesses, n’étaient point auprès d’eux des titres de recommandation ; ils parlaient à un magistrat, à un prince, aussi librement et aussi familièrement qu’à un simple particulier. Ils se donnaient bien de garde de jamais faire aucun serment, parce que Jésus-Christ l’avait défendu, et ils refusaient avec obstination de prêter serment de fidélité au souverain. Ils disaient que c’était un crime de payer la dime, parce qu’on entretenait par là, dans, leur erreur, les ministres d’une Eglise corrompue. Ils soutenaient qu’il était défendu d’opposer la force à la force et de plaider pour des intérêts temporels ainsi ils s’élevaient contre les ministres de la justice et contre les gens de loi. De pareils principes avaient soulevé contre eux tous les ordres de l’Etat. On les poursuivit donc avec la dernière sévérité on leur défendit de nouveau de tenir des assemblées le parlement leur ordonna, sous peine de bannissement de prêter serment de fidélité au roi mais ce fut en vain la patience opiniâtre des quakers l’emporta sur la rigueur des lois et sur l’acharnement de leurs ennemis on ne put ni empêcher leurs assemblées, ni leur arracher le serment de fidélité.

Jusqu’alors les quakers n’avaient paru et n’étaient, que des fanatiques ignorants et grossiers qui prêchaient dans les places publiques et dans les cabarets qui entraient, comme des enragés, dans les églises, outrageaient les ministres et se portaient à des excès capables de décréditer leur secte. Cependant il se trouva des hommes éclairés et savants qui se laissèrent tellement aveugler par le fanatisme, qu’ils n’eurent point de honte de se ranger du parti de ces forcenés, qu’ils auraient dû mépriser. Les plus illustres furent Guillaume Penn et Robert Parclay, hommes d’un mérite supérieur, qui employèrent tous leurs talents et toutes leurs lumières pour réduire en système théologique les extravagances et les absurdités du quakérisme et firent prendre à cette secte une forme nouvelle. Ils passèrent en Hollande et en Allemagne, pour y faire des prosélytes. Penn, fils du vice-amiral d’Angleterre, fut particulièrement utile à sa secte, par son grand crédit dans le royaume. Il ouvrit un asile aux quakers bannis, dans une province d’Amérique qui avait été cédée par le roi il son père, et qui avait été appelée, de son nom, Pensylvanie.

Jacques II étant monté sur le trône d’Angleterre, en 1685, les quakers lui présentèrent une adresse qui était conçue en ces termes « Nous venons, te témoigner la douleur que nous ressentons de la mort de notre bon ami Charles, et la joie que tu sois devenu notre gouverneur. Nous avons appris que tu n’es pas dans les sentiments de l’Eglise anglicane, non plus que nous ; c’est pourquoi nous te demandons la même liberté que tu prends pour toi-même. En quoi faisant, nous te souhaitons toutes sortes de prospérités. Adieu. » Cette adresse, malgré la liberté familière qui y règne, fut très-bien reçue Jacques leur permit l’exercice de leur religion, et les dispensa de prêter le serment de fidélité. Le règne de Guillaume III ne fut pas moins favorable aux quakers. Le parlement ayant porté une loi qui accordait le libre exercice de toutes les religions, excepté de la catholique et de la socinienne, les quakers, depuis ce temps, ont vécu assez paisiblement en Angleterre, sous la protection des lois seulement leur obstination à ne vouloir point prêter de serment leur a quelquefois attiré des mauvais traitements de la part des magistrats.

Barclay a composé une apologie des quakers, qui est sans contredit, le meilleur ouvrage que l’on ait fait en faveur de cette secte. Il la termine par un parallèle des quakers et des autres chrétiens, que nous mettrons sous les yeux du lecteur, parce qu’il est très-propre lui faire connaître les principes et la morale des quakers.

« Si donner et recevoir des titres de flatterie, desquels on ne se sert point à cause des vertus inhérentes aux personnes, mais qui sont, pour la plupart, employés par des hommes impies à l’égard de ceux, qui leur ressemblent ; s’incliner, gratter du pied en révérence, et ramper jusqu’à terre l’un devant l’autre ; si s’appeler à tout moment l’un l’autre le très-humble serviteur, et cela, le plus fréquemment sans aucun dessein de réel service ; si c’est là l’honneur qui vient de Dieu, et non pas l’honneur qui vient d’en bas alors, à la vérité, on pourra dire de nos adversaires qu’ils sont fidèles, et que nous sommes condamnés comme des orgueilleux et des opiniâtres, en refusant toutes ces choses. Mais si, avec Mardochée, refuser de s’incliner devant l’orgueilleux Aman, et, avec Elisée, refuser de donner des titres flatteurs aux hommes, de peur que nous ne soyons réprimandés par nôtre Créateur ;