Page:Migne - Encyclopédie théologique - Tome 27.djvu/7

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il demanda à Dieu qu’il lui fit connaître le véritable esprit du christianisme ; et il ne douta point que sa demande n’eût été exaucée.

Il commença dès lors à quitter sa profession de cordonnier, qui lui semblait incompatible avec sa mission ; il voulut jouer le rôle d’apôtre et de prophète, et prétendit que Dieu l’avait choisi pour réformer la religion chrétienne, défigurée par les faiblesses et par les passions des hommes. En conséquence, il se mit à courir de village en village, vêtu de cuir depuis les pieds jusqu’à la tête, et à dogmatiser dans les places publiques, avec une chaleur et un enthousiasme qui lui tenaient lieu d’éloquence. « Quel est, disait ce nouvel apôtre, le culte que les chrétiens doivent rendre à Dieu ? C’est un culte spirituel et intérieur, fondé sur la pratique des vertus et non sur de vaines cérémonies. Quel est le véritable esprit du christianisme ? C’est de réprimer ses passions, d’aimer ses frères, et de préférer la mort au péché. Or, je vous le demande, dans quelle société trouverons-nous cette religion pure et intérieure ? Sera-ce dans l’Eglise romaine ? sera-ce dans les Eglises réformées ? Elles ont toutes renouvelé le judaïsme leurs liturgies, leurs sacrements, leurs rites, sont des restes des cérémonies judaïques, expressément abolies par Jésus-Christ. C’est de ces formalités extérieures qu’elles font dépendre la justice et le salut. Elles chassent de leur sein ceux qui n’observent point ces rites, sans examiner si d’ailleurs ils sont vertueux ; mais elles y reçoivent avec honneur les plus grands scélérats, pourvu qu’ils soient fidèles à ces pratiques extérieures. Les ministres du Seigneur, faits pour éclairer les autres, sont les premiers à prêcher la nécessité de ces cérémonies, qui sont la source de leurs revenus. Aucune de ces sociétés n’est donc la véritable Eglise de Jésus-Christ, et ceux qui désirent sincèrement leur salut doivent s’en séparer, pour former entre eux une nouvelle société d’hommes sobres, patients, charitables, mortifiés, chastes, désintéressés. Une pareille association sera la seule véritable Eglise de Jésus-Christ. » Fox accompagnait ce discours de pleurs, de gémissements, et de toutes les grimaces capables de faire impression sur la multitude les places publiques, les cabarets, les temples, les maisons particulières, retentissaient de ses exhortations pathétiques. Un grand nombre de personnes se laissèrent séduire par cet imposteur, qui, de chétif cordonnier, se vit tout à coup chef de secte. Sa réputation se répandit dans toute l’Angleterre, où les simples le regardèrent comme un homme rare et extraordinaire, envoyé du ciel pour leur apprendre le véritable moyen d’honorer dignement la Divinité. Le nombre de ses disciples grossissait chaque jour, et il devint enfin assez considérable pour former une société. Alors Fox commença à tenir des assemblées régulières, dans lesquelles, conformément à sa doctrine, on ne pratiquait aucune cérémonie religieuse. Le lieu ou se tenaient ces assemblées ne différait en rien d’un lieu profane : là, tous ses disciples, les bras croisés, la tête baissée, le chapeau sur les yeux, méditaient, dans le plus profond recueillement, les importantes vérités de la religion, et attendaient qu’il plût à l’Esprit-Saint de les gratifier de quelque inspiration particulière, et d’agir sensiblement sur leur Aine. Celui d’entre eux dont l’imagination était la plus vive et la plus prompte à s’échauffer ne pouvait manquer de ressentir le premier l’opération de l’Esprit-Saint. Il entrait alors dans une espèce d’enthousiasme dont la violence faisait trembler extraordinairement tous ses membres. Dans cet état, il annoncait à ses confrères ce que lui suggérait l’Esprit dont il était agité. Son discours roulait ordinairement sur le renoncement à soi-même, sur la nécessité de faire pénitence, d’être sobre, juste et bienfaisant. Les assistants ne tardaient pas à ressentir les effets de l’éloquence pathétique de l’orateur ils s’échauffaient, et tremblaient à leur tour. L’inspiration devenait générale tous les disciples de Fox parlaient ensemble, et chacun s’efforçait de parler plus haut que les autres. Ils sortaient de ces assemblées avec une gravité un recueillement un silence, dont la multitude était fort édifiée. Ils se regardaient les uns les autres comme des temples vivants du Saint-Esprit. Comme ils se croyaient tous inspirés, il n’y eut personne parmi eux qui ne prétendît s’ériger en apôtre, et qui ne se crût destiné à éclairer et à réformer l’Angleterre. Ce royaume fut bientôt inondé d’une foule de fanatiques, qui dogmatisaient de tous côtés avec emportement, et faisaient, dans tous les états, un grand nombre de prosélytes. Laboureurs, artisans, soldats, prêtres, magistrats femmes, filles, en un mot, des gens de tout sexe et de toute condition s’empressèrent d’embrasser la doctrine des Quakers. On les voyait trembler et prophétiser dans les places publiques. L’ardeur de leur zèle les emportait jusqu’à troubler la liturgie et l’ordre du service divin insulter les ministres, et invectiver contre l’Eglise anglicane. Ce zèle indiscret leur attira une violente persécution. Les magistrats après avoir inutilement employé les remontrances, eurent recours aux voies de rigueur, pour arrêter l’audace de ces novateurs turbulents. Les Quakers furent battus, emprisonnés, dépouillés de leurs biens ; mais ils supportèrent avec une opiniâtreté indomptable tous lès mauvais traitements qu’on leur fit souffrir. Cette patience les fit regarder comme autant de héros par les gens peu éclairés, qui forment toujours le grand nombre, et les violences que l’on exerça contre eux ne servirent qu’à donner un nouvel éclat à leur secte.

Cependant Fox n’oubliait rien pour étendre de tous côtés sa doctrine. Il envoya des lettres pastorales dans tous les endroits où le quakérisme commençait à s’établir il eut la hardiesse d’écrire au roi de France, à l’empereur, au sultan, en un mot, à tous les