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INTRODUCTION.


la vengeance comme Aristote. Quoiqu’il ait établi de beaux principes de morale, il avoue que la base n’en est pas bien solide. Plutarque approuvait la licence que Lycurgue avait établie à Sparte et l’inhumanité des Spartiates.

L’étendue d’une introduction à un Dictionnaire ne nous permet pas d’étudier en particulier la momie de chacun des sages. Zoroastre, les Bramines, Confucius, etc., etc., avaient aussi leur principe des mœurs. Nous regrettons de ne pouvoir leur faire subir un examen particulier. C’est assez d’avoir parlé des plus sages. Nous terminerons cet article par quelques considérations qui feront comprendre l’insuffisance des écoles de philosophie pour fonder la morale.

De l’examen auquel nous venons de nous livrer, il résulte qu’il n’est pas un philosophe ou une secte philosophique qui ne renferme des erreurs, des omissions, des vices considérables. Il n’y en a donc pas une dont les écrits puissent servir de code de morale. Tout ce qu’on pourrait soutenir de plus vraisemblable ou de moins révoltant à ce sujet, c’est qu’il n’y a point de précepte ou de devoir moral prescrit par l’Evangile qui ne puisse se trouver en tout ou en partie dans les écrits de l’un ou de l’autre des philosophes païens. Et quand cela serait, quel avantage le peuple pourrait-il en retirer ? Comment la multitude grossière et ignorante pourrait-elle découvrir la règle de ses devoirs au milieu des productions volumineuses de toutes les sectes philosophiques ? Quel travail immense, quelle sagacité une pareille recherche n’exigerait-elle pas du plus savant des hommes 1 Eh bien supposons qu’on puisse rassembler les préceptes de différents endroits, qu’on en prenne quelques-uns de Solon et de Bias en Grèce, quelques autres de Cicéron en Italie et pour rendre l’ouvrage plus complet, allons jusque dans la Chine consulter Confucius et empruntons en Scythie les lumières du sage Anacharsis comment toutes ces pièces ramassées pourraient-elles faire un système complet de morale, qui soit reçu de tous les hommes du monde pour être la règle authentique de leur vie et de leurs mœurs ? Qui donnerait de l’autorité à un pareil recueil I Reçu aujourd’hui demain il deviendrait l’objet de la dispute et serait mis en lambeaux.

Les considérations que nous venons de présenter sur l’histoire de la morale du paganisme ont été en partie empruntées à Leland. Nous regrettons de n’avoir pu le suivre dans tous les détails qu’il nous donne sur ce sujet intéressant ; nous conseillons de lire tout son ouvrage, qui se trouve dans les Démonstrations évangéliques, tom. VII.

§ IV.
De la morale chez les chrétiens.

XXVI. La morale de l’Evangile offre à l’esprit une perfection étonnante, « La majorité des Ecritures m’étonne, a dit Jean-Jacques Rousseau, la sainteté de l’Evangile


parle à mon cœur. Voyez les livres des philosophes avec toute leur pompe ; qu’ils sont petits près de celui-là. Se peut-il qu’un livre si simple et si sublime soit t’ouvrage des hommes ? » Non, il n’est pas des hommes, car le Fils de Dieu vint sur la terre pour établir le vrai sens de la loi et des prophètes, pour mettre dans un nouveau jour les préceptes de la morale et leur donner toute leur perfection, l’évidence et la force dont ils sont susceptibles avec une sanction convenable. 11 venait instruire les hommes dans la connaissance du vrai Dieu et de la véritable religion. Mais ce n’était là qu’une partie de la doctrine qu’il devait leur enseigner. Pour remplir entièrement l’objet de sa mission à cet égard, il leur donna un système complet de morale qui renfermait tous les devoirs dans leur juste étendue, confirmant et renforçant ses préceptes par une autorité divine, par les motifs les plus puissants et les plus persuasifs et par l’auguste exemple de sa vie. Tout le système moral de l’Evangile est développé dans divers articles de ce Dictionnaire. Nous nous abstenons ici d’en donner une notion plus complète.

ARTICLE III.
des sources de la bonne morale

XXVII. Les principes qui dirigent la morale doivent être l’expression de la volonté divine manifestée d’une manière quelconque, mais indubitable ; car, autrement, l’agent ne pourrait jamais parvenir à l’état de sécurité qu’exige sa nature morale. Or, la volonté de Dieu peut s’être manifestée ou dans la constitution de l’homme lui-même, ou par une révélation spéciale faite à quelques hommes et par eux communiquée à leurs semblables. Ces deux modes, énoncés d’une manière aussi générale, sont les seuls admissibles attendu qu’il est démontré par l’expérience, et qu’il résulte de la liberté que l’Etre suprême n’intime pas ses ordres immédiatement à chaque individu et dans tous les cas où il se trouve dans la nécessité d’agir.

La constitution de l’homme ne nous fournit pas une source suffisante de la saine morale. Comme être physique, l’homme est doué, ainsi que tous les animaux, du double instinct de sa conservation individuelle et de celle de son espèce ; comme être moral, il a en partage le sentiment du bonheur, le pouvoir de tendre vers lui, ou la liberté, le sens moral pour l’appréciation des moyens qui y conduisent, et la raison pour la recherche de ces moyens. Il trouve autour de lui, dans la nature physique, de quoi satisfaire son double instinct, mois avec une telle surabondance qu’il travaille bientôt à sa propre destruction et à celle de son espèce, s’il ne cherche à régler ses appétits ; et son désir du bonheur, s’il n’est convenablement réglé, le porte naturellement, chose presque incroyable, à ce double désastre. Il est clair que la liberté favorisera cette impulsion si aucune autre direction ne lui est imprimée. Restent le sens moral et la raison : nous avons vu dans la première partie de cette