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Page:Migne - Encyclopédie théologique - Tome 31.djvu/679

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JEUNE.

1. Jeûne, retranchement dans la qualité et dans la quantité de la nourriture ordinaire, fait avec l’intention d’expier ses péchés, de mortifier son corps et d’élever plus facilement son esprit vers Dieu.

1° Nous expo-

serons d’abord la manière dont le jeûne a été observé chez les différents peuples ; 2° nous dirons la nature et l’étendue de l’obligation du jeûne imposée aujourd’hui aux chrétiens.

ARTICLE PREMIER.

De la manière dont le jeûne a été observé chez les différents peuples.

2. 1° Le jeûne, chez les anciens Juifs, « ne consislait pas seulement à manger plus tard, dit l’abbé Fleury, mais à s’affliger en toute manière. Ils passaient le jour entier sans boire ni manger jusqu’à la nuit. Ils demeuraient en silence dans la cendre et le cilice, et donnaient toutes les autres marques d’affliction. Les jeûnes publics étaient annoncés au son de la trompette comme les fêtes. Tout le peuple s’assemblait, à Jérusalem, dans le temple ; aux autres villes, dans la place publique. On faisait des lectures de la loi et les vieillards les plus vénérables exhortaient le peuple à reconnaître leurs péchés et à en faire pénitence. On ne faisait point de noces ces jnurs-là, et même les maris se séparaient de leurs femmes 2° « Les (premiers) chrétiens, continue le même auteur, jeûnaient plus souvent que les Juifs mais la manière de jeûner élait à peu près la même, renfermant les mêmes marques naturelles d’affliction. L’essentiel était de ne manger qu’une fois le jour, vers le soir, c’est-à -dire ne faire qu’un souper s’abstenir du vin et des viandes tes plus délicates et les plus nourrissantes, et passer la journée dans la retraite et la prière. On croyait rompre le jeûne en buvaut hors le repas. Dans les premiers temps, on ne comptait pour jeûnes d’obligation, dans la loi nouvelle, que cens, qui précédaient la Pâque, c’est-à -dire le carême. L’Eglise les observait en mémoire de la passion de Jésus-Christ. Il y avait d’autres jeûnes qui n’étaient que de dévotion le mercredi de chaque semaine les jeûnes commandés parles évéques pour les besoins extraordinaires des églises ceux que chacun s’imposait par sa dévotion particulière. Le jeûne du mercredi et du vendredi autrement des quatrième et sixième féries, se nommait station, nom tiré des stations ordinaires, et appliqué souvent aux autres jeûnes de dévotion.

« Ces jeûnes étaient différents, et l’on en comptait de trois sortes les jeûnes de stations, qui ne duraient que jusqu’à none, en sorte que l’on mangeait à trois heures après nii’li on les nommait aussi demi-jeûnes le jeûne de carême, qui durait jusqu’à vêpres, c’est-à -dire vers six heures du soir et le coucher du soleil le jeûne double ou renforcé (superpositio), dans lequel on passai) un jour entier sans manger. On jeûnait ainsi le sa-Diction

  • de Tiiéol. morale. I.

mcdi saint quelques-uns y joignaient le vendredi. D’autres passaient trois jours,d’autres quatre, d’autres tous les six jours de 1.1 semaine sainte, sans prendre de nourriture.

« Je sais que l’on est aujourd’hui peu touché de ces exemptes. On croit que ces anciennes austérités ne sont plus praticables. La nature, dit-on, est affaiblie depuis tant de siècles ; on ne vit plus si longtemps les corps ne sont plus si robustes. Mais je demanderais volontiersdes preuves de ce changement car il n’est point ici question des temps héroïques de la Grèce, ni de la vie des patriarches ou des hommes d’avant le dé. luge il s’agit du temps des premiers empereurs romains, et des auteurs grecs et latins les plus connus. Que l’on y cherche tant que l’on voudra, on ne trouvera point que la vie des hommes soit accourcie depuis seize cents ans. Dès lors, et longtemps devant, elle était bornée à soixante-dix ou quatre-vingts ans. Dans les premiers siècles du christianisme, quoiqu’il y eût encore quelques Grecs et quelques Romains qui pratiquassent les exercices de la gymnastique pour se faire de bons corps, il y en avait encore plus qui s’affaiblissaient par les débauches, particulièrement par celles qui ruinent le plus la santé, et qui font qu’aujourd’hui plusieurs d’entre les Orientaux vieillissent de si bonne heure. Cependant, de ces débauchés d’Egypte et de Syrie sont venus les plus grands jeûneurs et ces grands jeûneurs ont vécu plus longtemps que les autres hommes.

« 

Le relâchement des fidèles a depuis forcé l’Eglise de permettre quelques adoucis, sements dans la pratique du jeûne.Du temps de saint Bernard, tout le monde sans distinction jeûnaitencore, en carême, jusqu’au soir. Mais du temps de saint Thomas, c’est-à -dire il y a quatre cents ans, on commençait à manger à none, c’est-à -dire surles trois heures. On a depuis avancé l’heure du repas jusqu’à midi,et l’on a permis la collation le soir.» 4* Les Grecs sont les plus grands jeûneurs de toute la chrétienté, et le jeûne leur parait être l’œuvre la plus méritoire et la plus importante de toute la religion. Ils ont dans l’année quatre grands jeûnes, dont trois sont aussi longs que notre carême. Le premier commence le 13 de novemhre, et finit à Noël ; le second est une préparation à la Pâq :ie, et répond à notre carême ; le troisième dnre depuis la Pentécôlejusqu’àlafêtedesaint Pierre et saint Paul ; le quatrième, qui commence le 1" d’août, est instituéen l’honneur de l’Assomptionde la sainte Vierge, qu’ils célèbrent comme nous le Î5 de ce mois. Ce dernier jeûne, beaucoup moins long que les autres, est celui que l’on observe avec le plus de rigueur. Les moines alors ne se permettent pas même l’usage de l’huile. Les Grecs ont dans l’année plusieurs autres jours de jeûne et d’abstinence, dont il serait trop long de faire l’énumér.ition. Tous ees jeûnes sont pratiqués avec la plus grande fidélité par des hommes qui regardent l’infraction du jeûne comme un crimc aussi grand que l’adulu’ie 43