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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

rendant les grades et l’avancement indépendants de la cour et des titres nobiliaires. Le comte d’Artois et le prince de Condé, qui s’étaient retirés à Turin après le 14 juillet, formèrent des intelligences avec Lyon et le midi ; mais l’émigration n’ayant pas encore, à cette époque, la consistance extérieure qu’elle eut plus tard à Coblentz, et manquant d’appui dans l’intérieur, tous ses projets échouèrent. Les essais de soulèvement que le clergé tenta dans le Languedoc furent alors sans résultat ; ils amenèrent quelques troubles de peu de durée, mais ils n’engagèrent point une guerre religieuse. Il faut du temps pour former un parti, et il en faut davantage pour le décider à combattre sérieusement. Un dessein moins impraticable fut celui d’enlever le roi et de le conduire à Péronne. Le marquis de Favras, avec l’appui secret de Monsieur, frère du roi, s’apprêtait à l’exécuter lorsqu’il fut découvert. Le Châtelet condamna à mort cet intrépide aventurier, qui manqua son entreprise parce qu’il y mit trop d’appareil. L’évasion du roi, après les événements d’octobre, ne pouvait plus avoir lieu que d’une manière furtive, comme il arriva plus tard à Varennes.

La cour était dans une position équivoque et embarrassée. Elle encourageait toutes les entreprises, elle n’en avouait aucune ; elle sentait plus que jamais sa faiblesse et sa dépendance de l’assemblée ; et tout en désirant de s’y soustraire, elle craignait de le tenter, parce que le succès lui paraissait difficile. Aussi excitait-elle les résistances sans y coopérer ouvertement : avec les uns elle rêvait l’ancien régime, avec les autres elle ne cherchait qu’à modérer la révolution. Mirabeau avait depuis peu traité avec elle. Après avoir été un des principaux auteurs des réformes, il voulait leur donner de la stabilité, en enchaînant les factions : son but était de convertir la cour à la révolution et non de livrer la révolution à la cour. L’appui qu’il offrait était constitutionnel ; il ne pouvait pas en proposer d’autre, car sa puissance tenait à sa popularité, et sa popularité à ses principes. Mais il eut le tort de le faire acheter : si ses immenses besoins ne lui avaient pas fait accepter de l’argent et vendre ses conseils, il n’eût pas été plus blâ-