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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

mable que l’inaltérable Lafayette, les Lameth et les Girondins, qui s’abouchèrent successivement avec elle. Mais ni les uns ni les autres n’acquirent jamais la confiance absolue de la cour, qui ne recourait à eux que comme à un pis-aller. Elle tentait, par leur moyen, de suspendre la révolution, tandis que, par celui des aristocrates, elle espérait la détruire. De tous les chefs populaires, Mirabeau fut peut-être celui qui exerça le plus d’ascendant sur la cour, parce qu’il était le plus entraînant et le plus fort.

Au milieu de tous ces complots et de toutes ces intrigues, l’assemblée travaillait sans relâche à la constitution. Elle décréta la nouvelle organisation judiciaire de la France. Toutes les magistratures nouvelles furent temporaires. Sous la monarchie absolue, les pouvoirs découlant du trône, les fonctionnaires étaient nommés par le roi ; sous la monarchie constitutionnelle, tous les pouvoirs découlant du peuple, les fonctionnaires furent nommés par lui. Le trône seul fut transmissible ; les autres pouvoirs, n’étant ni la propriété d’un homme, ni d’une famille, ne furent pas plus viagers qu’héréditaires. La législation de cette époque dépendit d’un principe unique, la souveraineté de la nation. Les fonctions judiciaires eurent elles-mêmes ce caractère de mobilité : le jury, institution démocratique, commune autrefois à presque tout le continent, et qui n’avait survécu qu’en Angleterre aux envahissements de la féodalité ou du trône, fut introduit dans les causes criminelles. Dans les causes civiles, on nomma des juges spéciaux. On établit des tribunaux sédentaires, deux degrés de juridiction pour donner un recours contre l’erreur, et une cour de cassation qui veillât à la conservation des formes protectrices de la loi. Ce redoutable pouvoir, lorsqu’il relève du trône, ne peut être indépendant qu’en étant inamovible ; mais il doit être temporaire lorsqu’il relève du peuple, parce qu’en dépendant de tous, il ne dépend de personne.

Dans une autre matière tout aussi importante, le droit de paix et de guerre, l’assemblée décida une question neuve, délicate, et le fit d’une manière prompte, sûre et juste, après