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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

l’islamisme ; mais aujourd’hui rien de cela n’était plus. Les titres avaient perdu leur réalité et leur convenance : la noblesse, après avoir cessé d’être une magistrature, cessait même d’être une illustration, et le pouvoir, comme la gloire, devaient sortir désormais des rangs plébéiens. Mais, soit que l’aristocratie tînt plus à ses titres qu’à ses priviléges, soit qu’elle n’attendît qu’un prétexte pour se déclarer ouvertement, cette dernière mesure détermina plus qu’aucune autre son émigration et ses attaques. Elle fut pour la noblesse ce que la constitution civile fut pour le clergé, une occasion bien plus qu’une cause d’hostilité.

Le 14 juillet arriva, la révolution eut peu de journées si belles ; le temps seul ne répondit point à cette magnifique fête. Les députés de tous les départements furent présentés au roi, qui les accueillit avec beaucoup d’affabilité ; il reçut aussi les plus touchants témoignages d’amour, mais comme roi constitutionnel. « Sire, lui dit le chef de la députation bretonne en mettant un genou en terre et en lui présentant son épée, je remets en vos mains l’épée fidèle des braves Bretons, elle ne se teindra que du sang de vos ennemis. » Louis XVI le releva, l’embrassa, lui remit son épée. « Elle ne saurait être mieux, répondit-il, qu’entre les mains de mes chers Bretons ; je n’ai jamais douté de leur tendresse et de leur fidélité : assurez-les que je suis le père, le frère, l’ami de tous les Français. — Sire, ajouta le député, tous les Français vous chérissent et vous chériront, parce que vous êtes un roi citoyen. »

C’était dans le Champ-de-Mars que devait avoir lieu la fédération ; les immenses préparatifs de cette fête venaient à peine d’être terminés. Paris entier avait concouru pendant plusieurs semaines aux travaux, afin que tout fût prêt le 14. Le matin, à sept heures, le cortége des électeurs, des représentants de la commune, des présidents des districts, de l’assemblée nationale, de la garde parisienne, des députés de l’armée, des fédérés des départements, partit avec ordre de l’emplacement de la Bastille. La présence de tous les corps nationaux, les