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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

une des discussions les plus lumineuses et les plus éloquentes qui aient illustré ses séances. Comme la guerre et la paix tenaient plus à l’action qu’à la volonté, contre la règle ordinaire, elle en donna l’initiative au roi. Celui qui était plus à portée d’en connaître la convenance devait la proposer, mais c’était au corps législatif à la résoudre.

Le torrent populaire, après avoir débordé contre l’ancien régime, rentrait peu à peu dans son lit. De nouvelles digues le contenaient de toutes parts. Le gouvernement de la révolution s’établissait avec promptitude : l’assemblée avait donné au nouveau régime son monarque, sa représentation nationale, sa division territoriale, sa force armée, ses pouvoirs municipaux et administratifs, ses tribunaux populaires, sa monnaie, son clergé ; elle avait trouvé une hypothèque pour sa dette, et un moyen de déplacer les propriétés sans injustice.

Le 14 juillet approchait : ce jour était pour la nation l’anniversaire de sa délivrance ; on se préparait à le célébrer par une solennité qui élevât l’âme des citoyens et resserrât les liens communs. Une confédération de tout le royaume devait avoir lieu dans le Champ-de-Mars ; et là, en plein air, des députés envoyés par les quatre-vingt-trois départements, la représentation nationale, la garde parisienne et le monarque, devaient prêter serment à la constitution. Pour préluder à cette fête patriotique, les membres populaires de la noblesse proposèrent l’abolition des titres, et l’assemblée vit se renouveler une séance semblable à celle du 4 août. Les titres, les armoiries, les livrées, les ordres de chevalerie, furent abolis le 20 juin, et la vanité perdit ses priviléges comme le pouvoir avait perdu les siens.

Cette séance plaça l’égalité partout, et mit d’accord les mots avec les choses en détruisant cet attirail d’un autre temps. Les titres avaient autrefois désigné les fonctions ; les armoiries avaient distingué de puissantes familles ; les livrées avaient été revêtues par des armées de vassaux ; les ordres de chevalerie avaient défendu l’état contre l’étranger, ou l’Europe contre