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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

peuple sans prêtres. Il n’en arriva selon le vœu ni de l’un ni de l’autre parti. Le plus grand nombre des évêques et des curés de l’assemblée refusa le serment ; mais quelques évêques et beaucoup de curés le prêtèrent. Les titulaires opposants furent destitués, et les électeurs leur nommèrent des remplaçants qui reçurent l’institution canonique des évêques d’Autun et de Lida. Mais les ecclésiastiques destitués refusèrent d’abandonner leurs fonctions, déclarèrent leurs successeurs des intrus ; les sacrements administrés par eux, nuls ; les chrétiens qui ne craindraient pas de les reconnaître, excommuniés. Ils ne quittèrent point leur diocèse ; ils y firent des mandements, y excitèrent à la désobéissance aux lois ; et c’est ainsi qu’une affaire d’intérêt devint d’abord une affaire de religion, et ensuite une affaire de parti. Il y eut deux clergés, l’un constitutionnel, l’autre réfractaire ; ils eurent chacun leurs sectateurs, et se traitèrent de rebelle ou d’hérétique. La religion devint, selon les passions et les intérêts, un instrument ou un obstacle ; et lorsque les prêtres firent des fanatiques, les révolutionnaires firent des incrédules. Le peuple, que n’avait pas encore atteint ce mal des hautes classes, perdit, dans les villes surtout, la foi de ses pères, à cause de l’imprudence de ceux qui le placèrent entre la révolution et son culte. « Les évêques, dit le marquis de Ferrières, dont on ne suspectera pas le blâme, refusèrent de se prêter à aucun arrangement ; et, par leurs intrigues coupables, fermèrent toute voie de conciliation, sacrifiant la religion catholique à un fol entêtement et à un attachement condamnable à leurs richesses. »

Le peuple était recherché par tous les partis ; on le courtisait comme le souverain de ces temps. Après avoir tenté d’agir sur lui par la religion, on mit en usage un autre moyen, tout puissant alors, celui des clubs. Les clubs étaient, à cette époque, des réunions privées, dans lesquelles on discutait sur les mesures du gouvernement, sur les affaires de l’état et sur les décrets de l’assemblée : leurs délibérations n’avaient aucune autorité, mais elles n’étaient pas sans influence. Le premier