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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

placée hors des relations des autres états, avait été introduite dans la politique européenne par Pierre Ier et Catherine II. L’avènement de ces deux puissances avait modifié les anciennes alliances. D’accord avec le cabinet de Vienne, la Russie et la Prusse avaient exécuté le premier partage de la Pologne en 1772 ; et, après la mort du grand Frédéric, l’impératrice Catherine et l’empereur Joseph s’étaient ligués, en 1786, pour opérer celui de la Turquie européenne.

Affaibli depuis l’imprudente et malheureuse guerre de sept ans, le cabinet de Versailles avait assisté au partage de la Pologne sans le traverser, avait vu préparer la chute de l’empire ottoman sans y mettre obstacle, et avait même laissé succomber, sans le soutenir, le parti républicain de Hollande, son allié, sous les coups de la Prusse et de l’Angleterre. Celles-ci avaient rétabli militairement, en 1787, le stathoudérat héréditaire dans les Provinces-Unies. Le seul acte qui eût honoré la politique française avait été l’appui heureux donné à l’émancipation de l’Amérique du nord. La révolution de 1789, en étendant l’influence morale de la France, diminua encore davantage son influence diplomatique.

L’Angleterre, que gouvernait le jeune Pitt, s’était alarmée en 1788 des projets ambitieux de la Russie. Elle avait formé une alliance avec la Prusse et la Hollande pour y mettre un terme. Les hostilités étaient sur le point de commencer lorsque l’empereur Joseph mourut, en février 1790, et fut remplacé par Léopold, qui accepta en juillet la convention de Reichenbach. Cette convention posa, sous la médiation de l’Angleterre, de la Prusse et de la Hollande, les bases de la paix entre l’Autriche et la Turquie, qui fut définitivement signée à Sistove le 4 août 1791 ; elle pourvut en même temps à la pacification des troubles des Pays-Bas. Pressée par l’Angleterre et la Prusse, Catherine II fit également la paix avec la Porte à Jassy, le 29 décembre 1791. Ces négociations, et les traités qui en résultèrent, comblèrent l’arriéré des luttes politiques du xviiie siècle, et laissèrent les puissances libres de s’occuper de la révolution française.