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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Les princes de l’Europe, qui n’avaient eu jusque là d’autres ennemis qu’eux-mêmes, virent en elle un ennemi commun. Les anciens rapports de guerre ou d’alliance, déjà méconnus pendant la guerre de sept ans, cessèrent entièrement alors : la Suède se réunit à la Russie, et la Prusse à l’Autriche. Il n’y eut plus que des rois d’une part et un peuple de l’autre, en attendant ceux que son exemple ou les fautes des princes lui donneraient pour auxiliaires. Une coalition générale se forma bientôt contre la révolution française : l’Autriche y entra dans l’espoir de s’agrandir ; l’Angleterre dans celui de se venger de la guerre d’Amérique ; la Prusse pour raffermir le pouvoir absolu menacé, et occuper son armée oisive ; les Cercles de l’Allemagne pour redonner à quelques-uns de leurs membres les droits féodaux, dont l’abolition de ce régime les avait privés en Alsace ; le roi de Suède qui s’était fait le chevalier de l’arbitraire, pour le rétablir en France, comme il venait de le rétablir dans son propre pays ; la Russie pour exécuter sans trouble le partage de la Pologne, tandis que l’Europe serait occupée ailleurs ; enfin, tous les souverains de la maison de Bourbon, par intérêt de pouvoir et par attachement de famille. Les émigrés les encourageaient dans ces projets et les excitaient à l’invasion. Selon eux, la France était sans armée, ou du moins sans chefs, dénuée d’argent, livrée au désordre, lasse de l’assemblée, disposée à l’ancien régime, et elle n’avait ni moyens ni envie de se défendre. Ils arrivaient en foule pour prendre part à cette courte campagne, et ils se formaient en corps organisés, sous le prince de Condé, à Worms ; sous le comte d’Artois, à Coblentz.

Le comte d’Artois hâtait surtout les déterminations des cabinets. L’empereur Léopold était en Italie ; il se transporta auprès de lui avec Calonne, qui lui servait de ministre, et le comte Alphonse de Durfort, qui avait été son intermédiaire avec la cour des Tuileries, et qui lui avait rapporté l’autorisation du roi de traiter avec Léopold. La conférence eut lieu à Mantoue, et le comte de Durfort vint remettre à Louis XVI, au nom de l’empereur, une déclaration secrète, par laquelle