Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
INTRODUCTION.

subjugué les vassaux, supprimé les parlements de barons, annulé ou assujetti les justices seigneuriales ; ils s’étaient attribué le pouvoir législatif, et avaient fait exercer, pour leur compte, le pouvoir judiciaire dans les parlements de légistes.

Les états-généraux, qu’ils convoquèrent dans des besoins pressants pour obtenir des subsides, et qui furent composés des trois ordres de la nation, du clergé, de la noblesse et du tiers-état, n’eurent jamais une existence régulière. Intervenus pendant que la prérogative royale était en progrès, ils furent d’abord dominés, puis supprimés par elle. L’opposition la plus forte et la plus obstinée que rencontrèrent les rois dans leurs projets d’agrandissement, vint beaucoup moins de ces assemblées auxquelles ils enlevaient ou conféraient arbitrairement leur droit, que des grands qui défendirent contre eux, d’abord leur souveraineté, ensuite leur importance politique. Depuis Philippe-Auguste jusqu’à Louis XI, ils combattirent pour conserver leur pouvoir ; depuis Louis XI jusqu’à Louis XIV, pour devenir les ministres du pouvoir royal. La Fronde fut la dernière campagne de l’aristocratie. Sous Louis XIV, la monarchie absolue s’établit d’une manière définitive et domina sans contestation.

Le régime de la France, depuis Louis XIV jusqu’à la révolution, fut plus arbitraire encore que despotique ; car les monarques pouvaient beaucoup plus qu’ils ne faisaient. De faibles barrières s’opposaient aux débordements de cette immense autorité. La couronne disposait des personnes par les lettres de cachet, des propriétés par les confiscations, des revenus par les impôts. Il est vrai que certains corps possédaient des moyens de défense qu’on appelait des priviléges. Mais ces priviléges étaient rarement respectés. Le parlement avait celui de consentir ou de refuser l’impôt ; mais le roi le forçait à l’enregistrement par un lit de justice, et punissait ses membres par des lettres d’exil. La noblesse avait celui de n’être point imposée ; le clergé celui de s’imposer lui-même par des dons gratuits ; quelques provinces étaient abonnées à l’impôt, et quelques autres en faisaient elles-mêmes la répar-