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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

où il excitait le mécontentement des Girondins, et se séparait de l’assemblée. Il aurait dû s’unir étroitement à eux, puisqu’il invoquait la constitution contre les émigrés dans ses lettres, et contre les révolutionnaires par l’usage de sa prérogative. Sa position ne devenait forte qu’en souscrivant de bonne foi à la première révolution, et en faisant sa propre cause de celle de la bourgeoisie.

Mais la cour n’était pas aussi résignée : elle attendait toujours des temps meilleurs, ce qui l’empêchait d’agir d’une manière invariable, et lui faisait porter ses espérances de tous les côtés. Elle continuait d’entretenir des relations avec l’Europe, disposée dans certains moments à accepter l’intervention étrangère ; elle intriguait avec les ministres contre le parti populaire, et se servait des Feuillants, quoique avec beaucoup de défiance, contre les Girondins. Ses principales ressources, à cette époque, étaient dans les petites menées de Bertrand de Molleville, qui dirigeait le conseil, qui avait établi un club français dont il soldait les membres, qui achetait les applaudissements des tribunes de l’assemblée, qui espérait, par cette contrefaçon de la révolution, vaincre la révolution véritable, et dont le but était de jouer les partis, et d’annuler les effets de la constitution en l’observant littéralement.

Avec ce système de conduite, la cour eut même l’imprudence d’affaiblir les constitutionnels, qu’elle aurait dû renforcer ; elle favorisa, à leurs dépens, la nomination de Pétion à la mairie. Par suite du désintéressement dont avait été saisie la précédente assemblée, tous ceux qui avaient exercé sous elle des emplois populaires s’en démirent successivement. Lafayette avait déposé, le 8 octobre, le commandement de la garde nationale, et Bailly venait de renoncer à la mairie. Le parti constitutionnel proposait Lafayette pour le remplacer dans ce premier poste de l’état, qui, en permettant d’exciter ou de prévenir les insurrections, donnait Paris à ceux qui l’occupaient. Jusque là il avait appartenu aux constitutionnels, qui, par ce moyen, avaient réprimé le mouvement du Champ-de-Mars. Ils avaient perdu la direction de l’assemblée,