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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

noncé aux conquêtes ne fait jamais sans nécessité, mais qu’une nation généreuse et libre sait entreprendre lorsque sa propre sûreté, lorsque son honneur, le commandent ! »

Les démarches du roi auprès des princes de l’empire furent appuyées de préparatifs militaires. Le 6 décembre, un nouveau ministre de la guerre remplaça Du Portail. Narbonne, choisi parmi les Feuillants, jeune, actif, ambitieux de se signaler par le triomphe de son parti et la défense de la révolution, se rendit sur-le-champ aux frontières. Cent cinquante mille hommes furent mis en réquisition ; l’assemblée vota, dans ce but, vingt millions de fonds extraordinaires ; on forma trois armées, sous le commandement de Rochambeau, de Luckner et de Lafayette ; enfin on décréta d’accusation Monsieur, le comte d’Artois, le prince de Condé, comme prévenus d’attentats et de conspiration contre la sûreté générale de l’état et de la constitution. Leurs biens furent séquestrés ; et le terme fixé précédemment à Monsieur pour rentrer dans le royaume étant expiré, il fut déchu de son droit à la régence.

L’électeur de Trèves s’engagea à dissiper les rassemblements, et à ne plus les permettre désormais. Tout se réduisit néanmoins à un simulacre de licenciement. L’Autriche donna l’ordre au maréchal de Bender de défendre l’électeur s’il était attaqué, et elle ratifia les conclusions de la diète de Ratisbonne. Celle-ci exigea la réintégration des princes possessionnés ; elle ne voulut point qu’on les indemnisât en argent de la perte de leurs droits, et elle ne laissa à la France que le rétablissement de la féodalité en Alsace, ou la guerre. Ces deux démarches du cabinet de Vienne étaient d’une nature peu pacifique. Ses troupes marchaient sur nos frontières, et prouvaient encore mieux qu’il ne fallait pas se fier à son inaction. Cinquante mille hommes se trouvaient dans les Pays-Bas ; six mille étaient postés dans le Brisgaw ; il en faisait venir trente mille de Bohème. Cette formidable armée d’observation pouvait, d’un moment à l’autre, devenir une armée d’attaque.

L’assemblée sentait qu’il était urgent de faire décider l’em-