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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

contents de cette mesure, qui introduisait la classe inférieure dans leurs rangs, et qui leur paraissait avoir pour but d’annuler la bourgeoisie par la populace. Enfin ils condamnaient d’une manière ouverte le bannissement des prêtres, qui n’était, selon eux, qu’un décret de proscription.

Louis XVI était depuis quelque temps plus froid avec ses ministres, qui se montraient aussi plus exigeants à son égard. Ils le pressaient d’admettre auprès de sa personne des prêtres assermentés, afin de donner un exemple en faveur de la religion constitutionnelle et d’enlever un prétexte aux troubles ; il s’y refusait avec constance, décidé à ne plus faire aucune concession religieuse. Les derniers décrets furent le terme de son union avec la Gironde ; il resta plusieurs jours sans en parler et sans faire connaître sa décision à cet égard. C’est alors que Roland lui écrivit sa fameuse lettre sur ses devoirs constitutionnels, et le pressa, pour calmer les esprits et pour affermir son autorité, de se faire franchement le roi de la révolution. Cette lettre aigrit davantage Louis XVI, déjà résolu à rompre avec les Girondins. Il était soutenu par Dumouriez, qui abandonnait son parti, et qui avait formé, avec Duranthon et Lacoste, une scission dans le ministère contre Roland, Servan et Clavière. Mais, en ambitieux habile, Dumouriez conseillait à Louis XVI de renvoyer les ministres dont il avait à se plaindre, et de sanctionner en même temps les décrets pour se populariser. Il lui présentait celui contre les prêtres comme une mesure de précaution en leur faveur, l’exil devant les enlever à une proscription peut-être plus déplorable ; il s’engageait à prévenir les suites révolutionnaires du camp des vingt mille hommes, en en faisant partir les bataillons pour l’armée au fur et à mesure de leur arrivée. À ces conditions, Dumouriez se chargeait du ministère de la guerre, et soutenait le choc de son propre parti ; mais Louis XVI renvoya les ministres le 13 juin, rejeta les décrets le 29, et Dumouriez partit pour l’armée, après s’être rendu suspect. L’assemblée déclara que Roland, Servan et Clavière emportaient les regrets de la nation.