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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Le roi choisit ses nouveaux ministres parmi les Feuillants. Scipion Chambonnas eut les affaires étrangères ; Terrier-Monteil, l’intérieur ; Beaulieu, les finances ; Lajarre, la guerre ; Lacoste et Duranthon restèrent momentanément à la justice et à la marine. Tous ces hommes étaient sans nom, sans crédit, et leur parti lui-même approchait du terme de son existence. La situation constitutionnelle, pendant laquelle il devait dominer, se changeait de plus en plus en situation révolutionnaire. Comment un parti légal et modéré aurait-il pu se maintenir entre deux partis extrêmes et belligérants, dont l’un s’avançait du dehors pour détruire la révolution ; et dont l’autre voulait à tout prix la défendre ? Les Feuillants devenaient de trop dans cet état de choses. Le roi, qui sentait leur faiblesse, parut ne plus compter alors que sur l’Europe, et il envoya Mallet-Dupan, avec une mission secrète, auprès des coalisés.

Cependant tous ceux qui avaient été dépassés par le flot populaire, et qui appartenaient au premier temps de la révolution, se réunirent pour seconder ce léger mouvement rétrograde. Les monarchiens, à la tête desquels se trouvaient Lally-Tollendal et Malouet, deux des principaux membres du parti Mounier et Necker ; les Feuillants, qui étaient dirigés par l’ancien triumvirat Duport, Lameth et Barnave ; enfin Lafayette, qui avait une immense réputation constitutionnelle, essayèrent de réprimer les clubs, de raffermir l’ordre légal et le pouvoir du roi. Les Jacobins remuaient beaucoup à cette époque ; leur influence devenait énorme : ils tenaient la tête du parti de la multitude. Il aurait fallu leur opposer, pour les contenir, l’ancien parti de la bourgeoisie ; mais il était désorganisé, et sa puissance déclinait chaque jour. Ce fut pour le relever que Lafayette écrivit, le 16 juin, du camp de Maubeuge, une lettre à l’assemblée, dans laquelle il dénonçait la faction jacobine ; il demandait la fin du règne des clubs, l’indépendance et l’affermissement du trône constitutionnel, et il pressait l’assemblée, en son nom, au nom de son armée, au nom de tous les amis de la liberté, de ne prendre pour le