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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

déchéance. Mais on termina auparavant la grande question sur les dangers de la patrie. Les trois comités réunis déclarèrent qu’il y avait lieu à prendre des mesures de salut public, et l’assemblée proclama, le 5 juillet, cette formule solennelle : Citoyens, la patrie est en danger ! Aussitôt toutes les autorités civiles se placèrent en surveillance permanente ; tous les citoyens en état de porter les armes, et ayant déjà fait le service des gardes nationales, furent mis en activité ; chacun fut tenu de déclarer les armes et les munitions dont il était pourvu ; on donna des piques à ceux qu’on ne put pas armer de fusils, on enrôla des bataillons de volontaires sur les places publiques, au milieu desquelles on avait planté des bannières avec ces mots : Citoyens, la patrie est en danger ! et l’on forma un camp à Soissons. Toutes ces mesures de défense, devenues indispensables, portèrent au plus haut degré l’exaltation révolutionnaire. On eut lieu de le remarquer à l’anniversaire du 14 juillet, pendant lequel les sentiments de la multitude et des fédérés des départements éclatèrent sans retenue. Pétion y fut l’objet de l’idolâtrie du peuple ; il eut tous les honneurs de la fédération. Peu de jours auparavant, il avait été destitué, à cause de sa conduite au 20 juin, par le directoire du département et par le conseil ; mais l’assemblée l’avait rétabli dans ses fonctions, et le seul cri proféré le jour de la fédération fut celui de Pétion ou la mort ! Quelques bataillons de la garde nationale, tels que celui des Filles-Saint-Thomas, montraient encore de l’attachement à la cour ; ils devinrent l’objet de la défiance et des ressentiments populaires. On excita dans les Champs-Elysées, entre les grenadiers des Filles-Saint-Thomas et les fédérés de Marseille, une rixe dans laquelle quelques grenadiers furent blessés. La crise devenait chaque jour plus imminente ; le parti de la guerre ne pouvait plus souffrir celui de la constitution. Les attaques contre Lafayette se multipliaient ; il était poursuivi dans les journaux, dénoncé dans l’assemblée. Enfin les hostilités commencèrent. Le club des Feuillants fut fermé ; on cassa les compagnies de grenadiers et de chasseurs de la garde nationale, qui étaient