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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

la force de la bourgeoisie ; les soldats de ligne et une partie des Suisses furent éloignés de Paris, et l’on prépara ouvertement la catastrophe du 10 août.

La marche des Prussiens et le fameux manifeste de Brunswick contribuèrent à hâter ce moment. La Prusse s’était réunie à l’Autriche et aux princes d’Allemagne contre la France. Cette coalition, à laquelle se réunissait la cour de Turin, était formidable, quoiqu’elle ne comprît pas toutes les puissances qui d’abord avaient dû se joindre à elle. La mort de Gustave, désigné d’abord comme chef de l’armée d’invasion, en avait détaché la Suède ; le remplacement du ministre Blanca-Florida par le comte d’Aranda, homme prudent et modéré, avait empêché l’Espagne d’y entrer ; la Russie et l’Angleterre approuvaient secrètement les attaques de la ligue européenne, sans y coopérer encore. Après les événements militaires dont il a été rendu compte, on s’était observé de part et d’autre, plutôt qu’on ne s’était battu. Pendant ce temps, Lafayette avait donné de bonnes habitudes de discipline et de dévouement à son armée ; et Dumouriez, placé sous Luckner au camp de Maulde, avait aguerri les troupes qui lui étaient confiées par de petits engagements et des succès journaliers. Ils avaient ainsi formé le noyau d’une bonne armée, chose d’autant plus nécessaire, qu’on avait besoin d’organisation et de confiance pour repousser l’invasion prochaine des confédérés.

Le duc de Brunswick la dirigeait. Il avait le principal commandement de l’armée ennemie, composée de soixante-dix mille Prussiens et de soixante-huit mille Autrichiens, Hessois ou émigrés. Voici quel était ce plan d’invasion. Le duc de Brunswick devait, avec les Prussiens, passer le Rhin à Coblentz, remonter la rive gauche de la Moselle, attaquer la frontière de France par son point central, le plus accessible, et se diriger sur la capitale par Longwy, Verdun et Châlons. Le prince de Hohenlohe devait opérer sur sa gauche dans la direction de Metz et de Thionville, avec les Hessois et un corps d’émigrés, tandis que le général Clairfait, avec les Autrichiens et un autre corps d’émigrés, culbuterait Lafayette